B. La libre prestation de services

Article 56 TFUE CE :

« Dans le cadre des dispositions visées ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de la Communauté sont interdites à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation.

Le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, peut étendre le bénéfice des dispositions du présent chapitre aux prestataires de services ressortissants d’un État tiers et établis à l’intérieur de l’Union. »

Article 50 al. 1 et 2 CE :

« Au sens des traités, sont considérées comme services les prestations fournies normalement contre rémunération, dans la mesure où elles ne sont pas régies par les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes.

Les services comprennent notamment:

a) des activités de caractère industriel

b) des activités de caractère commercial

c) des activités artisanales

d) les activités des professions libérales. »

1. Modes de prestation


a. Avec déplacement : LPS actives et passives

L’article 50 admet les libres prestations actives (LPS actives) puisqu’il prévoit dans son dernier alinéa que :

« le prestataire peut, pour l’exécution de sa prestation, exercer, à titre temporaire, son activité dans le pays où la prestation est fournie, dans les mêmes conditions que celles que ce pays impose à ses propres ressortissants ».

La CJCE  a admis les libres prestations passives :

CJCE,31 janv. 1984, 286-82 et 25-83, Luisi et Carbone CJCE,(rec. 377):

« La liberté de prestation des services inclut la liberté des destinataires des services de se rendre dans un autre État membre pour y bénéficier d’un service, sans être gênés par des restrictions, même en matière de paiements. Les touristes, les bénéficiaires de soins médicaux et ceux qui effectuent des voyages d’études ou des voyages d’affaires sont à considérer comme des destinataires de services ».

b. Sans déplacement : le commerce électronique

Directive  2000/31/CE DU PARLEMENT EUROPEEN ET DU CONSEIL du 8 juin 2000relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur («directive sur le commerce électronique» : JOCE 17 juill. 2000 L. 178/1) : transposition avant le 17 janvier 2002.

2. Les services dans le marché intérieur

Directive 2006/123 du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur

IV. EXCLUSION DES ACTIVITÉS RELEVANT DE L’EXERCICE DE L’AUTORITÉ PUBLIQUE

L’article 51, auquel renvoie l’article 62 TFUE, dispose :

« sont exceptées de l’application du présent chapitre, en ce qui concerne l’Etat membre intéressé, les activités participant dans cet Etat, même à titre occasionnel, à l’exercice de l’autorité publique ».

CJCE, 21 juin 1974, 2-74, Reyners / État belge (Rec._p._00631):

« L’exception à la liberté d’établissement prévue par l’article 55, alinéa 1, du traité CEE doit être restreinte aux activités visées par l’article 52 qui, par elle-mêmes, comportent une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique ; on ne saurait donner cette qualification, dans le cadre d’une profession libérale comme celle de l’avocat, à des activités telles que la consultation et l’assistance juridique, ou la représentation et la défense des parties en justice, même si l’accomplissement de ces activités fait l’objet d’une obligation ou d’une exclusivité établie par la loi. »

CJCE 5 décembre 1989, C-3/88 , Commission / Italie, Rec._p._04035

CJCE 10 décembre 1991, C-306/89 ,Commission / Grèce (Rec._p._I-5863) :

Les expertises en matière d’accidents de circulation ne liant pas les tribunaux et laissant intacte l’appréciation de l’autorité judiciaire, l’activité d’expert auprès des tribunaux en cette matière ne saurait être considérée comme participant à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 55 du traité et exemptée, de ce fait, de l’application des règles du traité en matière de liberté d’établissement et de libre prestation des services. Peu importent à cet égard les déclarations qu’ont pu faire inscrire au procès-verbal d’une réunion du Conseil certains États membres car la portée objective des règles de droit communautaire ne peut résulter que de ces règles elles-mêmes, compte tenu de leur contexte.

CJCE 26 avril 1994, C-272/91, Commission / Italie ( Rec._p._I-1409):

Viole les articles 52 et 59 du traité relatifs, respectivement, à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services, un État membre qui réserve aux organismes dont le capital est majoritairement détenu par le secteur public la participation à un marché portant sur la concession du système d’automatisation du jeu du loto, dès lors que ledit marché, qui comporte les locaux, les fournitures, l’installation, l’entretien, le fonctionnement, la transmission des données ainsi que tout autre élément nécessaire à l’exploitation du jeu, n’entraîne aucun transfert de responsabilités au concessionnaire en ce qui concerne les différentes opérations inhérentes au jeu, de sorte que l’exception prévue à l’article 55, premier alinéa, du traité en ce qui concerne les activités participant à l’exercice de l’autorité publique ne peut trouver à s’appliquer. Pareille pratique constitue également une violation des articles 17 à 25 de la directive 77/62, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de fourniture.

CJCE 13 juillet 1993, C-42/92, Thijssen / Controledienst voor de verzekeringen (Rec._p._I-4047) :

Tel n’est pas le cas de l’activité de commissaire agréé auprès des entreprises d’assurances et des institutions privées de prévoyance lorsqu’elle s’exerce dans un cadre, tel que celui que connaît la Belgique, où vis-à-vis de l’Office de contrôle des assurances, organisme public participant à l’exercice de l’autorité publique et titulaire de pouvoirs de réglementation, de surveillance et d’injonction, et bien qu’il exerce ses fonctions sous sa surveillance, prête serment et puisse opposer un veto suspensif à l’exécution d’une décision de l’entreprise qui constituerait une infraction pénale, le commissaire agréé, désigné librement et rétribué par l’entreprise d’assurances, n’est investi que d’un rôle auxiliaire et préparatoire. »

CJCE, 29 octobre 1998, C-114/97 , Commission / Espagne (Rec._p._I-6717) :

Tel n’est pas le cas de l’activité des entreprises et du personnel de sécurité ayant pour objet d’assurer des missions de surveillance et de protection sur la base de rapports de droit privé, dont l’exercice n’implique pas qu’ils soient investis de pouvoirs de contrainte. En effet, la simple contribution au maintien de la sécurité publique, à laquelle tout individu peut être appelé, ne constitue pas un exercice d’autorité publique.

CJCE 9 mars 2000, Commission / Belgique (C-355/98, Rec._p._I-1221) (cf. points 24-26)

Tel n’est pas le cas de l’activité des entreprises de gardiennage ou de sécurité et des services internes de gardiennage. »


CH. II. LES JUSTIFICATIONS
 

S.I. LES DIFFERENTES SORTES DE JUSTIFICATIONS

La CJCE a opéré une distinction entre les les justifications de règles discriminatoires des justifications des règles non discriminatoires.

 (CJCE, 25 juill. 1991, Stichting Collectieve Antennevoorziening Gouda / Commissariaat voor de Media,C-288/89, Rec._p._I-4007).

« La suppression des restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de la Communauté, visée à l’article 59, premier alinéa, du traité, implique, en premier lieu, l’élimination de toute discrimination exercée à l’encontre du prestataire en raison de sa nationalité ou de la circonstance qu’il est établi dans un État membre autre que celui où la prestation doit être exécutée.
Des réglementations nationales qui ne sont pas indistinctement applicables aux prestations de services quelle qu’en soit l’origine ne sont compatibles avec le droit communautaire que si elles peuvent relever d’une disposition dérogatoire expresse, tel l’article 56 (auj. 46) du traité, lequel ne peut être invoqué pour poursuivre des objectifs de nature économique.
En l’absence d’harmonisation des règles applicables aux services, voire d’un régime d’équivalence, des entraves à la libre prestation des services peuvent, en second lieu, provenir de l’application de réglementations nationales, qui touchent toute personne établie sur le territoire national, à des prestataires établis sur le territoire d’un autre État membre, lesquels doivent déjà satisfaire aux prescriptions de la législation de cet État. Pareilles entraves tombent sous le coup de l’article 59 dès lors que l’application de la législation nationale aux prestataires étrangers n’est pas justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général ou que les exigences que traduit cette législation sont déjà satisfaites par les règles imposées à ces prestataires dans l’État membre où ils sont établis.
Enfin, l’application des réglementations nationales aux prestataires établis dans d’autres États membres doit être propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’elles visent et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour qu’il soit atteint; il faut donc que le même résultat ne puisse pas être obtenu par des règles moins contraignantes. »

CJCE 29 mars 2007, Rewe Zentralfinanz eG, ayant droit à titre universel d’ITS Reisen GmbH contre Finanzamt Köln-Mitte, C-347/74 :

35. Dès lors, une limitation de la déductibilité de telles pertes par une société mère résidente, qui affecte uniquement les pertes subies au titre d’amortissements sur la valeur de participations détenues à l’étranger, ne reflète pas une différence de situation objective des sociétés mères selon que leurs filiales ont leur siège en Allemagne ou dans d’autres États membres.

36.Il résulte de ce qui précède que la différence de traitement fiscal découlant de la réglementation en cause au principal et la situation désavantageuse sur le plan fiscal qui en résulte pour les sociétés mères résidant en Allemagne qui disposent d’une filiale établie dans un autre État membre sont de nature à entraver l’exercice de la liberté d’établissement par de telles sociétés, en les dissuadant de créer, d’acquérir ou de maintenir une filiale dans un autre État membre. Elles constituent ainsi une restriction à la liberté d’établissement au sens des articles 52 et 58 du traité.

37. Une telle restriction à la liberté d’établissement ne saurait être admise que si elle poursuit un objectif légitime compatible avec le traité ou se justifie par des raisons impérieuses d’intérêt général. Encore faudrait-il, dans une telle hypothèse, qu’elle soit propre à garantir la réalisation de l’objectif en cause et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif (voir, notamment, arrêts précités Marks & Spencer, point 35 et jurisprudence citée, ainsi que Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas, point 47).

CJCE, 6 mars 2007, Massimiliano Placanica (C 338/04), Christian Palazzese (C 359/04), Angelo Sorricchio (C 360/04),

42.La Cour a déjà jugé que la législation nationale en cause dans les affaires au principal comporte, en ce qu’elle interdit – sous peine de sanctions pénales – l’exercice d’activités dans le secteur des jeux de hasard en l’absence de concession ou d’autorisation de police délivrée par l’État, des restrictions à la liberté d’établissement ainsi qu’à la libre prestation des services (arrêt Gambelli e.a., précité, point 59 et dispositif).

43.D’une part, les restrictions imposées à des intermédiaires tels que les prévenus au principal constituent des entraves à la liberté d’établissement de sociétés établies dans un autre État membre, telles que Stanley, qui poursuivent l’activité de collecte de paris dans d’autres États membres par l’intermédiaire d’une organisation d’agences, telles que les CTD gérés par les prévenus au principal (voir arrêt Gambelli e.a., précité, point 46).

44.D’autre part, l’interdiction faite à des intermédiaires tels que les prévenus au principal de faciliter la prestation de services de paris sur des événements sportifs organisés par un prestataire, tel que Stanley, établi dans un État membre autre que celui dans lequel ces intermédiaires exercent leur activité, constitue une restriction au droit dudit prestataire à la libre prestation des services, et ce même si les intermédiaires sont établis dans le même État membre que les destinataires desdits services (arrêt Gambelli e.a., précité, point 58).

45      Dans ces conditions, il convient d’examiner si les restrictions en cause au principal peuvent être admises au titre des mesures dérogatoires expressément prévues aux articles 45 CE et 46 CE ou justifiées, conformément à la jurisprudence de la Cour, par des raisons impérieuses d’intérêt général (arrêt Gambelli e.a., précité, point 60).

I. source textuelle

CJCE,14 octobre 2004, Omega (C-36/02) (cf. points 36-38) :

« Chaque Etat peut avoir une conception particulière de l’ordre public et un Etat peut avoir une conception différente de l’ensemble des autres membres.
Si des mesures restrictives de la libre prestation des services ne peuvent être justifiées par des motifs liés à l’ordre public que si elles sont nécessaires pour la protection des intérêts qu’elles visent à garantir et seulement dans la mesure où ces objectifs ne peuvent être atteints par des mesures moins restrictives, il n’est pas indispensable, à cet égard, que la mesure restrictive édictée par les autorités d’un État membre corresponde à une conception partagée par l’ensemble des États membres en ce qui concerne les modalités de protection du droit fondamental ou de l’intérêt légitime en cause. C’est ainsi que la nécessité et la proportionnalité des dispositions prises en la matière ne sont pas exclues au seul motif qu’un État membre a choisi un système de protection différent de celui adopté par un autre État. »


Les intérêts pris en cause sont les intérêts fondamentaux. Il faut en outre qu’une menace suffisamment grave et réelle les affecte.

•        Constitue un obstacle à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services une règle de droit national selon laquelle les administrateurs et les directeurs de toutes les entreprises de sécurité doivent résider sur le territoire de l’État membre dans lequel elles sont établies. Cette condition de résidence n’est pas nécessaire pour assurer la sécurité publique dans ledit État membre et ne relève donc pas de la dérogation prévue à l’article 56, paragraphe 1, combiné, le cas échéant, avec l’article 66 du traité. En effet, le recours à cette justification suppose l’existence d’une menace réelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société. Or, des contrôles efficaces sur les activités exercées par les entreprises de sécurité privée peuvent être effectués et des sanctions peuvent être prises à l’encontre de toute entreprise établie dans un État membre, quel que soit le lieu de résidence de ses dirigeants. En outre, le paiement d’une éventuelle sanction peut être garanti au moyen de la constitution d’une caution préalable (CJCE 29 octobre 1998, Commission / Espagne (C-114/97, Rec._p._I-6717) (cf. points 44-47)

•    En excluant l’exercice, par une personne ou une entreprise possédant la  nationalité d’un autre État membre, des activités de sécurité privée, un État  membre manque aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 48 et 52 du traité. Une telle exclusion générale de l’accès à certaines activités professionnelles ne saurait être justifiée par les raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique visées aux articles 48, paragraphe 3, et 56 du traité. En effet, la faculté pour les États membres de limiter la libre circulation des personnes pour lesdites raisons n’a pas pour objet de mettre des secteurs économiques tels que celui de la sécurité privée à l’abri de l’application du principe de la libre circulation, du point de vue de l’accès à l’emploi, mais vise à permettre aux États de refuser l’accès ou le séjour sur leur territoire à des personnes dont l’accès ou le séjour sur ces territoires constituerait, en tant que tel, un danger pour l’ordre public, la sécurité publique ou la santé publique (CJCE 29 octobre 1998, Commission / Espagne (C-114/97, Rec._p._I-6717) (cf. points 40-42 et disp.)

•    En obligeant une entreprise de gardiennage à avoir son siège d’exploitation sur le territoire national, rendant ainsi impossible la prestation, sur ce territoire, de services par des entreprises établies dans d’autres États membres, un État membre manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 59 du traité (devenu, après modification, article 49 CE). Une telle exigence ne saurait être justifiée par des raisons d’ordre public et de sécurité publique. En effet, la faculté pour les États membres de limiter la libre circulation des services pour lesdites raisons n’a pas pour objet de mettre des secteurs économiques tels que celui de la sécurité privée à l’abri de l’application du principe de la libre circulation, du point de vue de l’accès à l’emploi, mais vise à permettre aux États membres de refuser l’accès ou le séjour sur leur territoire à des personnes dont l’accès ou le séjour sur ces territoires constituerait, en tant que tel, un danger pour l’ordre public, la sécurité publique ou la santé publique.(CJCE, 9 mars 2000, Commission / Belgique (C-355/98, Rec._p._I-1221) (cf. points 31-34, 41 et disp.)

•    L’article 59 du traité doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre interdise à l’exploitant d’un port de plaisance, sous peine de poursuites pénales, de donner en location des mouillages au-delà d’un contingent déterminé à des propriétaires de bateaux qui résident dans un autre État membre.
Une telle restriction des emplacements de mouillage méconnaît, en effet, l’interdiction, prévue par l’article 59, paragraphe 1, du traité, de toute discrimination, même indirecte, à l’endroit du prestataire de services. Elle ne saurait être justifiée par la nécessité de réserver l’accès des propriétaires locaux de bateaux à ces emplacements du fait que ceux-ci risqueraient d’être accaparés par les personnes résidant dans un autre État membre et disposées à payer des prix de location plus élevés, de tels motifs d’ordre économique en faveur des propriétaires locaux ne pouvant constituer des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique susceptibles de rendre des réglementations nationales discriminatoires compatibles avec le droit communautaire( CJCE 29 avril 1999, Ciola (C-224/97, Rec._p._I-2517) (cf. points 13, 16-17, 20, disp. 1)

•    Le droit communautaire ne s’oppose pas à ce qu’une activité économique consistant en l’exploitation commerciale de jeux de simulation d’actes homicides fasse l’objet d’une mesure nationale d’interdiction adoptée pour des motifs de protection de l’ordre public en raison du fait que cette activité porte atteinte à la dignité humaine. En effet, ladite mesure ne saurait être regardée comme une mesure portant une atteinte injustifiée à la libre prestation des services, dès lors que, d’une part, la protection des droits fondamentaux, étant précisé que l’ordre juridique communautaire tend indéniablement à assurer le respect de la dignité humaine en tant que principe général du droit, constitue un intérêt légitime de nature à justifier, en principe, une restriction aux obligations imposées par le droit communautaire, même en vertu d’une liberté fondamentale garantie par le traité telle que la libre prestation de services et que, d’autre part, la mesure en cause correspond au niveau de protection de la dignité humaine que la constitution nationale a entendu assurer sur le territoire de l’État membre concerné et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi (CJCE 14 octobre 2004, Omega (C-36/02) (cf. points 34-35, 39-41 et disp.)

II. Source jurisprudentielle

A. Principe

•    La libre prestation des services, en tant que principe fondamental du traité, ne peut être limitée que par des réglementations justifiées par l’intérêt général et incombant à toute personne ou entreprise exerçant une activité sur le territoire de l’État membre destinataire de la prestation, dans la mesure où cet intérêt n’est pas sauvegardé par les règles auxquelles le prestataire est soumis dans l’État membre où il est établi (CJCE, 17 déc. 1981, Webb (279/80, Rec._p._03305) (cf. al. 17)

•    La libre prestation des services, en tant que principe fondamental du traité, ne peut être limitée que par des réglementations justifiées par l’intérêt général et s’appliquant à toute personne ou entreprise exerçant une activité sur le territoire de l’État destinataire, dans la mesure ou cet intérêt n’est pas sauvegardé par les règles auxquelles le prestataire est soumis dans l’État membre où il est établi. En outre, lesdites exigences doivent être objectivement nécessaires en vue de garantir l’observation des règles professionnelles et d’assurer la protection des intérêts qui constitue l’objectif de celles-ci (CJCE, 4 déc. 1986 Commission / France (220/83, Rec._p._03663) (cf. al. 17)

•    Compte tenu de la nature particulière de la prestation de services dans certains secteurs d’activités, on ne saurait considérer comme incompatibles avec le traité des exigences spécifiques imposées au prestataire, qui seraient motivées par l’application de règles régissant lesdites activités.
Toutefois, la libre prestation des services, en tant que principe fondamental du traité, ne peut être limitée que par des réglementations justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général et s’appliquant à toute personne ou entreprise exerçant une activité sur le territoire de l’État destinataire, dans la mesure où cet intérêt n’est pas sauvegardé par les règles auxquelles le prestataire est soumis dans l’État membre où il est établi. En particulier, lesdites exigences doivent être objectivement nécessaires en vue de garantir l’observation des règles professionnelles et d’assurer la protection du destinataire des services et elles ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs (CJCE 25 juillet 1991, Säger / Dennemeyer (C-76/90, Rec._p._I-4221) (cf. al. 15)
Ibid : (CJCE ,5 juin 1997, Syndesmos ton en Elladi Touristikon kai Taxidiotikon Grafeion / Ypourgos Ergasias (C-398/95, Rec._p._I-3091) (cf. point 21)
Ibid : (CJCE, 7 fév. 2002, Commission / Italie (C-279/00, Rec._p._I-1425) (cf. point 33)

B. Domaine

Ont notamment  été reconnues par la Cour
les règles professionnelles destinées à protéger les destinataires du service (arrêt du 18 janvier 1979, Van Wesemael, 110/78 et 111/78, Rec. p. 35, point28),
la protection de la propriété intellectuelle (arrêt du 18 mars 1980,, Coditel,62/79, Rec. p. 881 ),
celle des travailleurs (arrêt du 17 décembre 1981, Webb, 279/80,Rec. 3305, point 19; arrêt du 3 février 1982, Seco, 62/81 et 63/81, Rec. p. 223, point14; arrêt du 27 mars 1990, Rush Portuguesa., C-113/89, Rec. p. I-1417,, point 18),
celle des consommateurs (arrêt du 4 décembre 1986, Commission/France, 220/83,Rec. p. 3663, point 20;Commission/Danemark, 252/83, Rec.p. 3713, point 20;Commission/Allemagne,205/84, Rec.p. 3755, point 30; Commission/Irlande, 206/84, Rec. p.3817, point 20; arrêts du 26 février 1991, Commission/Italie, précité, point 20, et Commission/Grèce, précité, point 21),
la conservation du patrimoine historique et artistique national (arrêt du 26 février 1991, Commission/Italie, précité point 20),
la valorisation des richesses archéologiques, historiques et artistiques et la meilleure diffusion possible des connaissances relatives au patrimoine artistique et culturel d’un pays (arrêts du 26 février 199l, Commission/France, précité, point 17, et Commission/Grèce, précité, point 21).

•    Le refus, par un État membre, de reconnaître la capacité juridique d’une société constituée conformément au droit d’un autre État membre dans lequel elle a son siège statutaire au motif, notamment, que la société aurait transféré son siège effectif sur son territoire à la suite de l’acquisition de la totalité des parts sociales par des ressortissants de cet État membre qui y résident, avec pour conséquence que la société ne peut, dans l’État membre d’accueil, ester en justice pour défendre ses droits tirés d’un contrat, sauf à se reconstituer selon le droit de cet État, constitue une restriction à la liberté d’établissement incompatible, en principe, avec les articles 43 CE et 48 CE.

S’il ne saurait être exclu, à cet égard, que des raisons impérieuses d’intérêt général telles que la protection des intérêts des créanciers, des associés minoritaires, des salariés ou encore du fisc puissent, dans certaines circonstances et en respectant certaines conditions, justifier des restrictions à la liberté d’établissement, pareils objectifs ne peuvent toutefois justifier que soient déniées la capacité juridique et, partant, la capacité d’ester en justice à une société régulièrement constituée dans un autre État membre où elle a son siège statutaire. En effet, une telle mesure équivaut à la négation même de la liberté d’établissement reconnue aux sociétés par les articles 43 CE et 48 CE, de sorte que ces dispositions s’y opposent (CJCE, 5 novembre 2002,Überseering (C-208/00, Rec._p._I-9919) (cf. points 82, 92-94, disp. 1)

•    Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 49 CE un État membre qui prévoit dans sa législation que les entreprises de fourniture de travail temporaire établies dans d’autres États membre doivent avoir leur siège social ou une succursale sur le territoire national.
En effet, pour que l’exigence selon laquelle les entreprises de fourniture de travail temporaire souhaitant mettre de la main-d’oeuvre à la disposition d’utilisateurs établis dans un État membre doivent avoir leur siège social ou une succursale sur le territoire national, qui est en fait la négation même de la liberté fondamentale de prestation des services, soit acceptée, il faut établir qu’elle constitue une condition indispensable pour atteindre l’objectif recherché.
À cet égard, nonobstant le fait que la protection des travailleurs figure parmi les raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier une restriction à la libre prestation des services, force est toutefois de constater que l’exigence de la présence du siège social ou d’une succursale sur le territoire national va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de protection des travailleurs. (CJCE 7 février 2002, Commission / Italie (C-279/00, Rec._p._I-1425) (cf. points 17-20 et disp.)

L’article 52 du traité (devenu, après modification, article 43 CE) ne s’oppose pas à une disposition nationale qui interdit, en raison d’un risque de confusion, l’utilisation d’un nom commercial en tant que désignation spécifique d’une entreprise.
L’interdiction désavantage les entreprises ayant leur siège dans un autre État membre dans lequel elles utilisent légalement un nom commercial, qui sont intéressées à étendre l’usage de ce nom en dehors de cet État membre. Cependant, une telle restriction au droit d’établissement découlant d’une disposition nationale qui protège, notamment, des noms commerciaux contre des risques de confusion est justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général tenant à la protection de la propriété industrielle et commerciale. En effet, la protection, octroyée par un droit national, contre ce risque de confusion ne saurait être censurée sur le fondement du droit communautaire dès lors qu’elle correspond à l’objet spécifique de la protection du nom commercial qui est de protéger le titulaire contre le risque de confusion (CJCE,11 mai 1999, Pfeiffer (C-255/97, Rec._p._I-2835) (cf. points 20-22, 29 et disp.)

la nécessité de prévenir la réduction des recettes fiscales ne figure ni parmi les raisons énoncées à l’article 56 du traité (devenu, après modification, article 46 CE) ni parmi les raisons impérieuses d’intérêt général, et un éventuel avantage fiscal résultant, dans le chef des prestataires de services, de la fiscalité peu élevée à laquelle ils seraient soumis dans l’État membre dans lequel ils sont établis ne saurait permettre à un autre État membre de justifier un traitement fiscal moins favorable des destinataires des services établis dans ce dernier État (CJCE, 3 octobre 2002, Danner (C-136/00, Rec._p._I-8147) (cf. points 31-32, 37, 41, 49-52, 56-57 et disp.)

Il existe, dans le secteur de l’assurance en général, des raisons impérieuses tenant à la protection des consommateurs en tant que preneurs d’assurance et assurés, qui peuvent justifier des restrictions à la libre prestation des services. En l’état actuel du droit communautaire et notamment des travaux de coordination des règles nationales à cet égard, ledit intérêt n’est pas nécessairement garanti par les règles de l’État d’établissement. Il s’ensuit que l’exigence d’un agrément séparé accordé par les autorités de l’État destinataire reste justifiée sous certaines conditions, pour ce qui concerne le domaine des assurances directes en général. Par contre, l’exigence d’un établissement, qui constitue la négation même de la libre prestation des services, va au-delà de ce qui est indispensable pour atteindre l’objectif recherche et, partant, cette exigence est contraire aux articles 59 et 60 du traité.(CJCE, 4 déc. 1986, , Commission / France (220/83, Rec._p._03663) (cf. al. 20-21)
Des restrictions à l’émission de messages publicitaires peuvent être imposées dans un but d’intérêt général, à savoir protéger les consommateurs contre les excès de la publicité commerciale ou, dans le cadre d’une politique culturelle, maintenir une certaine qualité des programmes. Cependant, lorsque de telles restrictions ne touchent que les messages publicitaires destinés spécialement au public national, elles ne sont pas justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général, car elles visent à restreindre la concurrence à laquelle est soumis de la part d’opérateurs étrangers un organisme national détenant le monopole de la diffusion de ces messages publicitaires, (CJCE 25 juillet 1991, Stichting Collectieve Antennevoorziening Gouda / Commissariaat voor de Media (C-288/89, Rec._p._I-4007) (cf. al. 27-30)
Une réglementation d’un État membre qui, en rendant obligatoire entre les parties la forme juridique du contrat de travail, empêche les bureaux de tourisme et de voyage, quel que soit le lieu où ils sont établis, de conclure, dans le cadre de l’exécution des programmes d’activités touristiques qu’ils mettent sur pied dans cet État membre, un contrat de prestation de services avec un guide touristique titulaire d’une autorisation d’y exercer sa profession et originaire d’un autre État membre ne peut être justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général liées au maintien de la paix sociale, dans la mesure où, d’une part, adoptée afin de régler les conflits existants entre les guides touristiques et les bureaux de tourisme et de voyage et d’éviter ainsi que le tourisme, et donc l’économie du pays, n’en subisse les conséquences négatives, elle poursuit un objectif de nature économique et où, d’autre part, il n’est pas avéré qu’il est nécessaire, pour maintenir la paix sociale, de restreindre l’activité, à titre indépendant, des guides touristiques originaires d’autres États membres dans le cadre de l’exécution des programmes d’activités touristiques organisés par des bureaux de tourisme et de voyage (CJCE 25 juill. 1997,  Syndesmos ton en Elladi Touristikon kai Taxidiotikon Grafeion / Ypourgos Ergasias (C-398/95, Rec._p._I-3091) (cf. points 22-25, disp. 2)

S.II. CONTRÔLE DE LA MISE EN OEUVRE DES JUSTIFICATIONS

Les limites sont elles-mêmes restreintes. Cette restriction est exercée par la CJCE que ce soit en ce qui concerne les exceptions fondées sur les textes ou sur celles fondées sur les raisons impérieuses d’intérêt général.

« La possibilité pour un ressortissant d’un État membre d’exercer son droit d’établissement et les conditions de son exercice doivent être appréciées en fonction des activités qu’il entend exercer sur le territoire de l’État membre d’accueil.
Lorsque l’accès à une activité spécifique n’est soumis à aucune réglementation dans l’État d’accueil, le ressortissant de tout autre État membre a le droit de s’y établir et d’y exercer cette activité. En revanche, lorsque l’accès à une activité spécifique, ou l’exercice de celle-ci, est subordonné dans l’État membre d’accueil à certaines conditions, le ressortissant d’un autre État membre, entendant exercer cette activité, doit en principe y répondre.
Encore faut-il que ces conditions, pouvant, notamment, consister en l’obligation de posséder certains diplômes, d’adhérer à un organisme professionnel, de se soumettre à certaines règles professionnelles ou de se plier à une réglementation relative à l’utilisation des titres professionnels, lorsqu’elles sont susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice d’une liberté fondamentale garantie par le traité telle que la liberté d’établissement, respectent certains impératifs.
Ceux-ci sont au nombre de quatre: application non discriminatoire, justification par des raisons impérieuses d’intérêt général, caractère propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et limitation à ce qui est nécessaire pour atteindre ledit objectif. »(30 novembre 1995, Gebhard / Consiglio dell’Ordine degli Avvocati e Procuratori di Milano (C-55/94, Rec._p._I-4165) (cf. points 32-39, disp. 4-7).

Une réglementation nationale rendant impossible l’exercice pour les ressortissants des autres États membres d’une activité de prestation de services n’échappe à l’interdiction énoncée par l’article 59 du traité que si quatre conditions sont remplies, à savoir qu’elle s’applique de manière non discriminatoire, qu’elle se justifie par des raisons impérieuses d’intérêt général, qu’elle soit propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre, étant précisé que des restrictions motivées par des raisons impérieuses d’intérêt général ne sont admissibles que si cet intérêt n’est pas déjà sauvegardé par les règles auxquelles le prestataire est soumis dans l’État membre où il est établi.(CJCE 12 déc. 1996, Reisebüro Broede / Sandker (C-3/95, Rec._p._I-6511) (cf. point 28)

Ainsi, il a été jugé que :

Une réglementation nationale qui, en l’absence de concession ou d’autorisation délivrée par l’État membre concerné, interdit – sous peine de sanctions pénales – l’exercice d’activités de collecte, d’acceptation, d’enregistrement et de transmission de propositions de paris, notamment sur les événements sportifs, constitue une restriction à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services prévues respectivement aux articles 43 CE et 49 CE qui, pour être justifiée, doit se fonder sur des raisons impérieuses d’intérêt général, être propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi, ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif et être appliquée de manière non discriminatoire.
Il appartient à cet égard aux juridictions nationales de vérifier si une telle réglementation, au regard de ses modalités concrètes d’application, répond véritablement aux objectifs susceptibles de la justifier et si les restrictions qu’elle impose n’apparaissent pas disproportionnées au regard de ces objectifs.
En particulier, dans la mesure où les autorités d’un État membre incitent et encouragent les consommateurs à participer aux loteries, aux jeux de hasard ou aux jeux de paris afin que le trésor public en retire des bénéfices sur le plan financier, les autorités de cet État ne sauraient invoquer l’ordre public social tenant à la nécessité de réduire les occasions de jeu pour justifier des mesures telles que celles en cause au principal. En outre, si une sanction pénale est infligée à toute personne qui effectue des paris à partir de son domicile dans cet État membre, par l’Internet, avec un bookmaker établi dans un autre État membre, les juridictions nationales doivent examiner si cela ne constitue pas une sanction disproportionnée (CJCE 6 novembre 2003, Gambelli e.a. (C-243/01) (cf. points 65, 69, 72, 76 et disp..

En outre, cette justification fondée sur l’ordre public doit être interprétée à la lumière des  principes généraux du droit et des droits fondamentaux.


•    Lorsqu’un État membre invoque les dispositions combinées des articles 56 et 66 du traité pour justifier, par des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique, une réglementation qui est de nature à entraver l’exercice de la libre prestation des services, cette justification, prévue par le droit communautaire, doit être interprétée à la lumière des principes généraux du droit et notamment des droits fondamentaux. Ainsi, la réglementation nationale en cause ne pourra bénéficier des exceptions prévues par les dispositions précitées que si elle est conforme aux droits fondamentaux dont la Cour assure le respect. S’agissant d’une réglementation en matière de télévision, cela implique qu’elle soit appréciée au regard de la liberté d’expression, consacrée par l’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme en tant que principe général du droit dont la Cour assure le respect( CJCE, 18 juin 1991, ERT / DEP (C-260/89, Rec._p._I-2925) (cf. al. 43-45, disp. 6).


Comporte des restrictions prohibées par l’article 59 du traité, en raison de leur caractère discriminatoire, une législation nationale qui subordonne la télédistribution de programmes diffusés par des émetteurs établis dans d’autres États membres à l’absence de messages publicitaires destinés spécialement au public national, alors que les chaînes nationales de télévision ne sont pas soumises aux mêmes restrictions. Il en va de même pour l’interdiction du sous-titrage en langue nationale desdits programmes, dès lors qu’elle n’a d’autre objectif que de compléter l’interdiction de publicité.
Même présentées comme motivées par des raisons d’ordre public, à savoir la préservation du caractère non commercial et, par là, pluraliste du système de radiodiffusion nationale, de telles restrictions discriminatoires ne sauraient, en raison de leur caractère disproportionné par rapport à l’objectif poursuivi, rentrer dans les dérogations qu’autorise l’article 56 du traité.(CJCE 26 avril 1988, Bond van Adverteerders / État néerlandais (352/85, Rec._p._02085) (cf. al. 26-29, 35-37, disp. 2 et 3).

Constitue une restriction à la liberté d’établissement et à la libre circulation des travailleurs une règle de droit national selon laquelle les dirigeants et le personnel des entreprises de gardiennage et des services internes de gardiennage, à l’exception du personnel administratif et logistique, doivent résider sur le territoire de l’État membre dans lequel elles sont établies. Cette condition de résidence ne saurait être justifiée par la nécessité de vérifier les antécédents et la conduite des personnes en question. En effet, le besoin d’obtenir des informations à cet égard peut être satisfait par des moyens moins restrictifs de la liberté de circulation, le cas échéant en ayant recours à une coopération entre les autorités des États membres. En outre, des contrôles peuvent être effectués et des sanctions peuvent être prises à l’encontre de toute entreprise établie dans un État membre, quel que soit le lieu de résidence de ses dirigeants

L’article 52 du traité s’oppose à ce que la conduite d’un véhicule à moteur par une personne qui aurait pu obtenir un permis de l’État d’accueil en échange du permis délivré par un autre État membre, mais qui n’a pas procédé à cet échange dans le délai imposé, soit assimilée à la conduite sans permis et soit de ce fait pénalement sanctionnée d’une peine d’emprisonnement ou d’une amende, compte tenu des conséquences qui résultent de l’existence d’antécédents judiciaires pour l’exercice d’une profession indépendante ou salariée, notamment pour l’accès à certaines activités ou à certaines fonctions, ce qui constituerait une restriction ultérieure et durable de la liberté de circulation des personnes.
En effet, les États membres qui, en l’absence d’une réglementation communautaire en la matière, restent compétents pour sanctionner la violation de l’obligation d’échange du permis de conduire qu’ils peuvent imposer en vertu de la directive 80/1263 relative à l’instauration d’un permis de conduire communautaire, ne sauraient toutefois prévoir une sanction disproportionnée qui, vu l’incidence que le droit de conduire un véhicule à moteur comporte pour l’exercice effectif des droits qui se rattachent à la libre circulation des personnes, créerait une entrave à cette libre circulation. Or, l’assimilation à la conduite sans permis, entraînant l’application de sanctions pénales, même de nature pécuniaire, est disproportionnée à un double titre. Elle l’est, d’une part, parce que la délivrance d’un permis de conduire par un État membre en échange de celui délivré par un autre État membre ne constitue pas le fondement du droit de conduire un véhicule sur le territoire de l’État d’accueil, lequel est directement conféré par le droit communautaire, mais l’attestation de l’existence d’un tel droit, et que l’obligation d’échange répond donc pour l’essentiel à des exigences inhérentes à la gestion administrative. Elle l’est, d’autre part, par les conséquences qu’elle entraîne pour le devenir professionnel de l’intéressé. (CJCE 29 fév. 1996, Skanavi et Chryssanthakopoulos (C-193/94, Rec._p._I-929) (cf. points 34-39 et disp.)