TITRE III. LA LIBRE CIRCULATION DES CAPITAUX


Le chapitre IV du titre III du traité porte sur les mouvements de capitaux, les paiements courants, les investissements et l’admission des titres sur les marchés de capitaux.
Nous envisagerons successivement les mouvements de capitaux et les paiements courants puis les investissements.


CH. I. PAIEMENTS COURANTS  MOUVEMENTS DE CAPITAUX ET INVESTISSEMENTS


S.I. PAIEMENTS

L’article 63 §2 (56 par. 2 du Traité CE) TFUE interdit les restrictions aux paiements entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers.

La CJCE les définit comme

des transferts de devises qui constituent une contre-prestation dans le cadre d’une transaction sous-jacente (31 janvier 1984, Luisi et Carbone / Ministero dello Tesoro (286/82 et 26/83, Rec._p._00377) (cf. al. 21-22)).

Les arrêts sont rares en la matière.  

Dans un arrêt du 22 juin 1999, la Cour précise que : “À l’instar de l’article 106 du traité CEE (devenu l’article 73 H du traité CE, abrogé par le traité d’Amsterdam), l’article 73 B, paragraphe 2, du traité (devenu article 56, paragraphe 2, CE) vise à permettre au débiteur d’une somme d’argent dans le cadre d’une fourniture de biens ou de services de s’acquitter volontairement de cette obligation contractuelle sans restriction indue et au créancier de recevoir librement un tel paiement. (22 juin 1999, ED (C-412/97, Rec._p._I-3845) (cf. points 17-18, disp. 2)).

Au-delà des articles 143 et 144 TFUE (119 et 120 du traité CE) qui prévoient des mécanismes d’intervention en cas de difficultés ou de menace grave de difficultés dans la balance des paiements d’un Etat membre, la matière a donné lieu à réglementation avec le  RÈGLEMENT (CE) No 2560/2001 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 19 décembre 2001 concernant les paiements transfrontaliers en euros qui a été abrogé par le RÈGLEMENT (CE) N o 924/2009 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 16 septembre 2009 concernant les paiements transfrontaliers dans la Communauté et abrogeant le règlement (CE) n o 2560/2001 (entrée en vigueur le 30 septembre 2009 et applicable le 1er novembre 2009).

V. ég. directive 2007/64/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 concernant les services de paiement dans le marché intérieur.

L’objet (art. 1) de ce Règlement est d’établir des règles concernant les paiements transfrontaliers effectués au sein de l’Union afin de faire en sorte que les frais facturés pour ces paiements soient les mêmes que les frais facturés pour des paiements effectués à l’intérieur d’un État membre.

Il s’applique aux paiements transfrontaliers d’un montant maximum de 50 000 euros effectués à l’intérieur de la Communauté.

Il ne s’applique pas aux paiements transfrontaliers effectués entre établissements pour leur propre compte.

Il vise, d’un côté, des paiements par carte et, d’autre part, des virements transfrontaliers.

Article 3 Frais applicables aux paiements transfrontaliers et aux paiements nationaux correspondants

1. Les frais facturés par un prestataire de services de paiement à un utilisateur de services de paiement pour des paiements transfrontaliers d’un montant maximal de 50 000 EUR sont identiques à ceux facturés par ce prestataire de services de paiement aux utilisateurs de services de paiement pour des paiements nationaux correspondants d’un même montant et effectués dans la même monnaie.
2. Lorsqu’il fixe le niveau des frais facturés pour un paiement transfrontalier, aux fins de se conformer aux dispositions du paragraphe 1, le prestataire de services de paiement détermine le paiement national correspondant. Lorsqu’elles l’estiment nécessaire, les autorités compétentes élaborent des lignes directrices pour identifier les paiements nationaux correspondants. Les autorités compétentes coopèrent activement au sein du comité des paiements institué conformément à l’article 85, paragraphe 1, de la directive 2007/64/CE afin de garantir la cohérence des lignes directrices concernant les paiements nationaux correspondants.


S.II. CAPITAUX

Selon l’article 63 § 1 TFUE (56 §1) du traité CE :

“toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites.”

La matière était  essentiellement gouvernée par la directive  88/361/CEE du 24 juin 1988 (JOCE L 178,8 juilllet 1988) qui a posé le principe de la libéralisation complète des mouvements des capitaux à partir du 1er juillet 1990 entre les États membres afin de supprimer le régime général des restrictions aux mouvements de capitaux entre les personnes résidant dans les États membres (v. art. 1). Elle a été abrogée.

La définition des mouvements de capitaux qu’elle donne continue à inspirer la CJCE.

Par « mouvement de capital il faut entendre

“ l’ensemble des opérations nécessaires à la réalisation des mouvements de capitaux, effectuées par une personne physique ou morale”. Cela comprend entre autres des investissements directs, des investissements immobiliers, des opérations sur titres et en comptes courants et de dépôts, des prêts et des crédits financiers”.

Une annexe de cette directive dresse la nomenclature des mouvements de capitaux .Pour la CJCE, elle a toujours valeur indicative (CJCE 16 mars 1999, Trummer et Mayer, C-222/97, rec I-1661; CJCE, 23 fév. 2006, C 513/03, Van Hilten…).

Les successions intracommunautaires sont considérées comme des mouvements de capitaux. En conséquence, la situation fiscale de telles successions doit être analysée à la lumière du droit communautaire (C-222/97, rec I-1661; CJCE, 23 fév. 2006, C 513/03, Van Hilten…).


S.III. INVESTISSEMENTS INTRACOMMUNAUTAIRES

Dans l’optique communautaire, les investissements directs sont conçus comme des mouvements de capitaux (directive 88/361, annexe 1).

Les investissements directs, définis comme “des investissements de toute nature… qui servent à créer ou à maintenir des relations durables et directes entre le bailleur de fonds et l’entreprise à qui ces fonds sont destinés en vue de l’exercice d’une activité économique”,  en suivent donc le régime.

L’acquisition par un  investisseur ressortissant d’un autre État membre de l’Union européenne de participations de contrôle dans une entreprise nationale, outre qu’elle constitue une forme de mouvement de capitaux, relève également des dispositions sur le droit d’établissement (application du principe du «traitement national» aux investisseurs ressortissants d’un autre État membre de l’Union européenne et interdictions de discriminations sous réserves de justifications:  v. En ce sens Communication de la commission concernant certains aspects juridiques touchant aux investissements intracommunautaires (97/c 220/06( Journal officiel n̊ C 220 du 19/07/1997 p. 0015 – 0018)).



CH. II. RESTRICTIONS

SI. INTERDICTION DE TOUTE RESTRICTION

I. Capitaux

Cette interdiction vise toutes les restrictions qu’elles soient discriminatoires ou non discriminatoires

☞    Dans un arrêt du 23 février 1995, la CJCE a décidé qu’un régime de déclaration préalable à une circulation de capitaux n’était pas une restriction à la libre circulation des capitaux contrairement à un régime d’autorisation préalable (CJCE 23 février 1995, Procédures pénales contre Bordessa e.a.,  C-358/93 et C-416/93, Rec._p._I-361) (cf. points 17-18, 21, 23, 25, 27, 31, 35, disp. 2);

v. ég. CJCE 14 décembre 1995, Procédures pénales contre Sanz de Lera e.a. (C-163/94, C-165/94 et C-250/94, Rec._p._I-4821) (cf. points 19-20, 22-23, 25, 27-28, 33, 35, 39, 48, disp. 1-2):

La directive 88/361 pour la mise en oeuvre de l’article 67 du traité, et plus particulièrement ses articles 1er, obligeant les États membres à supprimer les restrictions aux mouvements de capitaux, et 4, les autorisant à prendre les mesures indispensables pour faire échec aux infractions aux lois et règlements nationaux, s’opposent à ce que l’exportation de pièces, de billets de banque ou de chèques au porteur soit subordonnée à une autorisation préalable, mais, en revanche, ne s’opposent pas à ce qu’une telle opération soit subordonnée à une déclaration préalable.

En effet, si ledit article 4 s’applique non seulement aux mesures visant à faire échec aux infractions en matière fiscale ou de surveillance prudentielle des établissements financiers, mais également à celles visant à empêcher des activités illicites d’une gravité comparable, tels le blanchiment d’argent, le trafic des stupéfiants et le terrorisme, l’exigence d’une autorisation ne peut être considérée comme une mesure indispensable au sens de cette disposition, car elle reviendrait à soumettre l’exercice de la libre circulation des capitaux à la discrétion de l’administration et serait susceptible, de ce fait, de rendre cette liberté illusoire.

En revanche, une déclaration préalable peut constituer une telle mesure indispensable puisque, contrairement à l’autorisation préalable, elle ne suspend pas l’opération en cause, tout en permettant néanmoins aux autorités nationales d’effectuer un contrôle effectif pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements.

Les dispositions précitées peuvent être invoquées devant le juge national et entraîner l’inapplicabilité des règles nationales qui leur sont contraires

Constitue également une restriction à la libre circulation des capitaux :

•    le fait de soumettre l’octroi d’une aide sociale en faveur du logement, notamment une bonification d’intérêt, à la condition que les prêts destinés au financement de la construction, de l’acquisition ou de l’amélioration du logement subventionné aient été contractés auprès d’un établissement de crédit agréé dans cet État membre, ce qui suppose qu’il y soit établi. En effet, cette condition est de nature à dissuader les emprunteurs de s’adresser à des banques établies dans un autre État membre et, partant, constitue une entrave aux mouvements de capitaux libérés dont relèvent les prêts bancaires (CJCE 14 novembre 1995, Svensson et Gustavsson / Ministre du Logement et de l’Urbanisme (C-484/93, Rec._p._I-3955) (cf. points 10, 19 et disp.)

•    le fait de prévoir que lorsqu’un prêt est souscrit en dehors du territoire national par une personne physique ou morale résidente sans qu’un acte écrit ait été rédigé et que son existence est rapportée par la mention de ce prêt sur les livres et documents comptables de l’emprunteur, il est soumis à un droit de timbre, alors que, s’agissant d’un prêt souscrit dans cet État membre sans établissement d’un acte écrit, il n’est pas soumis à ladite taxation.

Une telle législation, qui comporte une discrimination en raison du lieu de conclusion du prêt, est de nature à dissuader les résidents de contracter des prêts auprès des personnes établies dans d’autres États membres et constitue, dès lors, une restriction aux mouvements de capitaux. Elle ne saurait être justifiée ni par la nécessité d’assurer l’égalité des résidents devant l’impôt, la discrimination entre les résidents allant à l’encontre d’un tel objectif, ni par l’objectif de faire échec aux fraudes commises par les emprunteurs résidents. (CJCE 14 octobre 1999, Sandoz (C-439/97, Rec._p._I-7041) (cf. points 29-31, 34-35, 38, disp. 2)

II.Investissements

Conformément à l’article 63, toute restriction à des investissements est prohibée. Il en va ainsi des règles nationales qui limitent l’acquisition d’actions ( aff. 463/00, commission contre Espagne) ou réduisent les possibilités de participer effectivement à la gestion d’une entreprise ou à son contrôle (aff. C/98/01, commission / Royaume-Uni) ou encore de règles susceptibles de dissuader des investisseurs d’autres Etats membres et donc d’influer sur l’accès au marché (C 463/00, Commission/ Espagne) ou subordonnant un investissement direct étranger à une autorisation préalable ( arrêt du 26/9/00 C478/98, com/ Belgique, rec. 2000, p. I-7587, (14 mars 2000, Église de scientologie (C-54/99, Rec._p._I-1335) (cf. points 21-23 et disp.).”

Les  investissements ne peuvent pas être soumis à autorisation administrative. La CJCE a été saisie à plusieurs reprises de cette entorse à la libre circulation qu’elle a condamnée notamment dans une série d’arrêts du 4 juin 2002 prononcés contre le Portugal, contre la France, et contre la Belgique (CJCE 4 juin 2002, Commission / Portugal, C- 367/98, rec p. I-4731; Commission c/ France C483/99, rec. p. I-4781), Commission c/ Belgique C503/99; Rec. p. I.4809, v. dans le même sens, Commission c/ Espagne, 13 mai 2003, C-463//00, Rec. p. I-4581).



SII. JUSTIFICATION DES RESTRICTIONS

I. Sur le fondement de textes

L’article 65 du traité CE dispose :

1. L’article 63 ne porte pas atteinte au droit qu’ont les États membres:
a) d’appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis;
b) de prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale ou en matière de contrôle prudentiel des établissements financiers, de prévoir des procédures de déclaration des mouvements de capitaux à des fins d’information administrative ou statistique ou de prendre des mesures justifiées par des motifs liés à l’ordre public ou à la sécurité publique.
2. Le présent chapitre ne préjuge pas la possibilité d’appliquer des restrictions en matière de droit d’établissement qui sont compatibles avec le présent traité
3. Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l’article 63. »

Au-delà du fait que les dérogations ne sauraient constituer une discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux, elles doivent en outre répondre à l’exigence de proportionnalité.

Pour répondre à cette dernière exigence,  la législation nationale doit permettre d’atteindre l’objectif qu’elle poursuit, sans dépasser toutefois ce qui est nécessaire pour cela (C-463/00, COM/Espagne, point 68, C-367/98, COM/Portugal, point 49, C-483/99,
COM/France, point 45, et C-503/99, COM/Belgique, point 45, ainsi que les arrêts dans les affaires jointes C-163/94, C-165/94 et C-250/94, Sanz de Lera et al, point 23, et dans l’affaire C-54/99, Églisede Scientologie).

Un système d’approbation administrative préalable ne sera considéré proportionnel au but poursuivi que si le même objectif ne saurait être atteint par des mesures moins restrictives, notamment par un système de déclarations a posteriori (C-463/00, COM/Espagne, point 69, C-483/99, COM/France, point 46, C-367/98, COM/ Portugal,  point 50, ainsi que dans les affaires jointes C-163/94, C-165/94 et C-250/94, Sanz de Lera et al, points 23 à 28, et dans l’affaire C-302/97, Konle, point 44, et arrêts du 20/2/01 dans l’affaire C-205/99, Analir et al, Rec. 2001, p. I-1271, point 35, et du 5/3/02 dans les affaires jointes C-515/99, C-519/99 à C-524/99 et C-526/99 à C-540/99, Reisch et al, Rec. 2002, p. I-2157, point 37. 28 Arrêts dans les affaires C-463/00, COM/Espagne, point 69, C-483/99, COM/France, point 46,

Par ailleurs, il a été jugé que “ le fait d’adopter un régime d’autorisation préalable pour les investissements directs étrangers qui se limite à définir de façon générale les investissements concernés comme des investissements de nature à mettre en cause l’ordre public et la sécurité publique, de sorte que les intéressés ne sont pas en mesure de connaître les circonstances spécifiques dans lesquelles une autorisation préalable est nécessaire crée une  indétermination ne permettant pas aux particuliers de connaître l’étendue de leurs droits et leurs obligations découlant de l’article 73 B du traité (art. 56 CE), ce qui est contraire au principe de sécurité juridique (14 mars 2000, Église de scientologie (C-54/99, Rec._p._I-1335) (cf. points 21-23 et disp.).”

Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 73 B du traité (devenu article 56 CE) un État membre qui maintient en vigueur une réglementation nationale instituant une action spécifique de cet État dans une société pétrolière, en vertu de laquelle cette action spécifique est assortie des droits suivants :
– une autorisation préalable par l’État pour tout franchissement à la hausse de certains seuils de détention de titres ou de droits de vote;
– un droit d’opposition aux décisions de cession ou d’affectation à titre de garantie de la majorité du capital de plusieurs filiales de ladite société.
En effet, une telle réglementation constitue une restriction aux mouvements des capitaux au sens de la disposition précitée et pour laquelle une justification ne saurait être admise. Si, à cet égard, l’objectif de garantir la sécurité des approvisionnements en produits pétroliers en cas de crise relève des raisons de sécurité publique qui peuvent justifier une entrave à la libre circulation des capitaux, conformément à l’article 73 D, paragraphe 1, sous b), du traité (devenu article 58, paragraphe 1, sous b), CE), une telle réglementation va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif dès lors que la structure du régime établi est dépourvue de critères objectifs et précis (4 juin 2002, Commission / France (C-483/99, Rec._p._I-4781) (cf. points 42, 47, 53, disp. 1))

Les préoccupations pouvant, selon les circonstances, justifier que les États membres gardent une certaine influence dans les entreprises initialement publiques et ultérieurement privatisées, lorsque ces entreprises agissent dans les domaines des services d’intérêt général ou stratégiques, ne sauraient toutefois permettre aux États membres d’exciper de leurs régimes de propriété, tels que visés à l’article 295 CE, pour justifier des entraves aux libertés prévues par le traité, telle la libre circulation des capitaux entre les États membres, qui résultent de privilèges dont ils assortissent leur position d’actionnaire dans une entreprise privatisée. En effet, ledit article n’a pas pour effet de faire échapper les régimes de propriété existant dans les États membres aux règles fondamentales du traité.

•    Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 56 CE un État membre qui maintient en vigueur une réglementation nationale soumettant à une autorisation administrative préalable les décisions d’entités commerciales portant sur
– la dissolution, la scission ou la fusion de l’entité;
– l’aliénation ou la mise en gage des actifs ou des participations sociales nécessaires à la réalisation de l’objet social;
– une modification de l’objet social;
– les opérations de cession du capital social et l’acquisition de participations entraînant une réduction de la participation de l’État dans le capital social de l’entité.
En effet, une telle réglementation constitue une restriction aux mouvements des capitaux au sens de la disposition précitée. La circonstance que les restrictions concernant l’acquisition d’actions soient indistinctement applicables tant aux résidents qu’aux non-résidents n’a pas pour effet de les faire échapper au domaine d’application de l’article 56 CE, dès lors qu’elles affectent la situation d’un acquéreur d’une participation en tant que telle et sont donc de nature à dissuader les investisseurs d’autres États membres d’effectuer de tels investissements et, partant, de conditionner l’accès au marché.

Par ailleurs, une justification à une telle réglementation ne saurait être admise. Si, à cet égard, l’objectif de garantir la sécurité des approvisionnements en produits pétroliers et en électricité ainsi qu’un niveau minimal de services de télécommunications en cas de crise, sur le territoire de l’État membre en cause, peut constituer une raison de sécurité publique et, partant, justifier éventuellement une entrave à la libre circulation des capitaux, une telle réglementation va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif dans la mesure où elle ne fournit pas de critères objectifs et précis de nature à permettre de contrôler l’exercice du pouvoir discrétionnaire particulièrement large dont dispose l’administration 13 mai 2003, Commission / Espagne (C-463/00, Rec._p._I-4581) (cf. points 54, 61-62, 65, 71, 73, 76, 79-80, 84, et disp.).

En matière de contrôle prudentiel : Directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil du 20/3/00 concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et son exercice, directive 2002/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 5/11/02 concernant l’assurance directe sur la vie et deuxième directive 88/357/CEE du Conseil du 22/6/88 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’assurance directe autre que l’assurance sur la vie, fixant les dispositions destinées à faciliter l’exercice effectif de la libre prestation de services et modifiant la directive 73/239/CEE.


•    Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 73 B du traité (devenu article 56 CE) un État membre qui maintient en vigueur une réglementation nationale instituant une action spécifique de cet État dans une société pétrolière, en vertu de laquelle cette action spécifique est assortie des droits suivants :
– une autorisation préalable par l’État pour tout franchissement à la hausse de certains seuils de détention de titres ou de droits de vote;
– un droit d’opposition aux décisions de cession ou d’affectation à titre de garantie de la majorité du capital de plusieurs filiales de ladite société.
En effet, une telle réglementation constitue une restriction aux mouvements des capitaux au sens de la disposition précitée et pour laquelle une justification ne saurait être admise. Si, à cet égard, l’objectif de garantir la sécurité des approvisionnements en produits pétroliers en cas de crise relève des raisons de sécurité publique qui peuvent justifier une entrave à la libre circulation des capitaux, conformément à l’article 73 D, paragraphe 1, sous b), du traité (devenu article 58, paragraphe 1, sous b), CE), une telle réglementation va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif dès lors que la structure du régime établi est dépourvue de critères objectifs et précis (4 juin 2002, Commission / France (C-483/99, Rec._p._I-4781) (cf. points 42, 47, 53, disp. 1)).

Le contrôle institué par la CJCE est bien défini dans un arrêt du 5 mars 2002 (CJCE 5 mars 2002,  Reisch ea, C-515/99,C519/99à C 524/99, C526-99 à C 540/99, rec. p. I.2157).

Les articles 56 CE à 60 CE ne s’opposent pas à une procédure de déclaration préalable telle que celle prévue par le régime d’acquisition des biens fonciers institué par le Salzburger Grundverkehrsgesetz 1997 (loi du Land de Salzbourg relative à l’acquisition et à la vente de biens fonciers, SGVG), qui soumet tout acquéreur de biens fonciers à l’obligation de produire une déclaration indiquant qu’il est autrichien ou ressortissant d’un autre État membre et qu’il affectera le terrain à sa résidence principale ou à des fins professionnelles.
En effet, si cette mesure restreint par son objet même la liberté de circulation des capitaux, une telle restriction peut néanmoins être admise si, comme le régime en cause, les règles nationales poursuivent de manière non discriminatoire un objectif d’intérêt général et si elles respectent le principe de proportionnalité, c’est-à-dire si d’autres mesures moins contraignantes ne permettraient pas de parvenir au même résultat.
En ce qui concerne la première condition, des restrictions à l’installation de résidences secondaires dans une zone géographique déterminée qu’un État membre instaure afin de maintenir, dans un but d’aménagement du territoire, une population permanente et une activité économique autonome par rapport au secteur touristique peuvent être regardées comme contribuant à un objectif d’intérêt général. Cette constatation ne peut qu’être renforcée par les autres préoccupations susceptibles d’être à l’origine des mêmes mesures, comme celles tenant à la protection de l’environnement. En outre, il résulte des dispositions du SGVG qu’elles n’instituent aucune différence de traitement entre les acquéreurs autrichiens et les résidents d’autres États membres qui font usage des libertés garanties par le traité.
S’agissant de la seconde condition, une exigence de déclaration préalable à l’achat de terrains à bâtir, assortie d’une possibilité de sanctions en cas de violation de la déclaration souscrite, dans un but d’aménagement du territoire, est conforme au droit communautaire. Or, la procédure instaurée par le SGVG a un caractère essentiellement déclaratif dans son principe. L’exigence minimale de déclaration préalable présente l’avantage d’offrir une certaine sécurité juridique à l’acquéreur, à la différence de modalités de contrôle qui ne seraient exercées qu’a posteriori. En outre, il est permis de penser qu’un examen préalable est mieux à même de prévenir certains dommages difficilement réparables, occasionnés par la réalisation rapide de projets de construction. Ainsi, la formalité de la déclaration préalable peut être analysée comme une démarche complémentaire des sanctions pénales et de l’action en nullité de l’acte de vente que l’administration peut exercer devant le juge national. Dans ces conditions, cet aspect de la procédure instituée par le SGVG peut être considéré comme compatible avec le droit communautaire.
Mais les articles 56 CE à 60 CE s’opposent à une procédure d’autorisation préalable telle que celle prévue par ledit régime, qui soumet l’acquisition d’un bien foncier à une autorisation préalable lorsque, au vu de la déclaration visée, une attestation de l’autorité compétente n’a pas été délivrée.
En effet, les restrictions à la libre circulation des capitaux résultant de l’exigence d’une autorisation préalable peuvent être éliminées, grâce à un système de déclaration adéquat, sans nuire pour autant à l’efficacité des buts que cette réglementation poursuit.


II. Sur le fondement de la jurisprudence

Les restrictions peuvent être justifiées par des impératifs d’intérêt général. La jurisprudence n’est guère développée en ce domaine en ce qui concerne la liberté de circulation des capitaux. Il convient de se reporter à la jurisprudence applicable aux autres libertés. Les mêmes fondements avec les mêmes limites paraissent devoir être admis.

Dans l’affaire C 442/02, Caixa-Bank France /Ministère de l’économie, elle a admis que l’intérêt des consommateurs peut justifier une restriction. En revanche, toutes les raisons économiques ne sauraient prévaloir (C-35/98, Verkooijen)


III. Exemple développé

La liberté prévaut, affirmée notamment par une loi du 28 déc. 1966 relatives aux relations financières avec l’étranger, par un décret du 29 déc. 1989 réglementant les relations financières avec l’étranger.

Tout étranger (communautaire ou non) peut réaliser un investissement en France. La France encourage ces investissements qui lui profitent sur le plan économique et social. Les investissements directs sont constitués par “ l’achat, la  création ou l’extension de fonds de commerces, de succursales ou de toute entreprise à caractère personnel ou de toutes autres opérations lorsque, seules ou à plusieurs, concomitantes ou successives, elles ont pour effet de permettre à une ou plusieurs personnes de prendre ou d’accroître en fait le contrôle d’une  société exerçant une activité industrielle, agricole commerciale, financière ou immobilière quelle qu’en soit la forme ou d’assurer l’extension d’une telle société déjà sous leur contrôle (décret du 15 janv. 1990 modifiant et complétant le décret du 29 décembre 1989 réglementant les relations financières avec l’étranger).

Un arrêté du 14 février 1996 modifiant le décret de 1989 ajoute que constitue un tel investissement la prise en location-gérance du fonds de commerce d’une société française existante lorsqu’elle est effectuée pour une durée égale ou supérieure à 6 mois ou lorsque le locataire-gérant bénéficie d’une option d’achat sur le fonds de commerce ou sur tout ou partie des titres de la société propriétaire, (v. ég. Décret du 7 mars 2003 JORF, 9 mars 2003, p. 4140)

Les investissements directs étrangers sont cependant soumis à une obligation de déclaration administrative auprès de la direction du Trésor. Cette formalité n’a  d’autre objet que de permettre la vérification de ce que l’investissement ne relève pas d’un domaine spécifique relevant d’une autorisation préalable. Ces derniers touchent aux intérêts publics essentiels telles que les activités participant en France à l’exercice de l’autorité publique ou les activités de nature à mettre en cause l’ordre public, la santé publique et la sécurité publique et les activités de recherche, de production ou de commerce d’armes, de munitions, de poudre et de substances explosives destinées à des fins militaires de ou matériels de guerre (L. 1966, art. 5-1, décret 7 mars 2003, article 7).

Dans un décret du 7 mars 2003, les notions d’ordre public et de sécurité publique ont été définies.

Art. 7- 1̊ Les investissements directs étrangers en France qui sont de nature à mettre en cause l’ordre public ou la sécurité publique :
a) Les investissements réalisés par une personne dont l’une au moins des activités qu’elle exerce ou qu’elle a exercée au cours des dix dernières années ou dont les conditions d’exercice de cette activité constituent une présomption sérieuse qu’elle est susceptible de commettre ou de faciliter l’une des infractions visées par les articles 222-34 à 222-39, 223-15-2, 225-5, 225-6, 225-10, 324-1, 421-1 à 421-2-2, 433-1, 450-1 et 450-2-1 du code pénal ;
b) Les investissements effectués dans les secteurs des jeux d’argent, notamment dans les casinos et les cercles de jeux, et dans les activités réglementées de sécurité privée ;
Dans l’affaire qui opposait l’Etat français à l’Eglise de scientologie, un investissement avait été refusé à ce titre, ce qui a été jugé comme une restriction inacceptable sur le fondement du principe de sécurité juridique.