LIVRE I. LES LIBERTES FONDAMENTALES DU DROIT DES AFFAIRES DE L’UNION

TITRE I. LA LIBRE CIRCULATION DES MARCHANDISES

Traité TFUE

Article 28 (ex-article 23 TCE)

1. La Communauté est fondée sur une union douanière qui s’étend à l’ensemble des échanges de

marchandises et qui comporte l’interdiction, entre les États membres, des droits de douane à l’importation et à l’exportation et de toutes taxes d’effet équivalent, ainsi que l’adoption d’un tarif douanier commun dans leurs relations avec les pays tiers.

2. Les dispositions de l’article 25 et du chapitre 2 du présent titre s’appliquent aux produits qui sont

originaires des États membres, ainsi qu’aux produits en provenance de pays tiers qui se trouvent en libre pratique dans les États membres.

Article 29 (ex-article 24 TCE)

Sont considérés comme étant en libre pratique dans un État membre les produits en provenance de pays tiers pour lesquels les formalités d’importation ont été accomplies et les droits de douane et taxes d’effet équivalent exigibles ont été perçus dans cet État membre, et qui n’ont pas bénéficié d’une ristourne totale ou partielle de ces droits et taxes.

Article 30 (ex-article 25 TCE)

Les droits de douane à l’importation et à l’exportation ou taxes d’effet équivalent sont interdits entre les États membres. Cette interdiction s’applique également aux droits de douane à caractère fiscal.

Article 31 (ex-article 26 TCE)

Les droits du tarif douanier commun sont fixés par le Conseil statuant à la majorité qualifiée, sur proposition de la Commission.

Article 32 (ex-article 27 TCE)

Dans l’exercice des missions qui lui sont confiées au titre du présent chapitre, la Commission s’inspire:

a) de la nécessité de promouvoir les échanges commerciaux entre les États membres et les pays tiers;

b) de l’évolution des conditions de concurrence à l’intérieur de la Communauté, dans la mesure où cette évolution aura pour effet d’accroître la force compétitive des entreprises;

c) des nécessités d’approvisionnement de la Communauté en matières premières et demi-produits, tout en veillant à ne pas fausser entre les États membres les conditions de concurrence sur les produits finis;

d) de la nécessité d’éviter des troubles sérieux dans la vie économique des États membres et d’assurer un développement rationnel de la production et une expansion de la consommation dans la Communauté.

Article 34 (ex-article 28 TCE)

Les restrictions quantitatives à l’importation, ainsi que toutes mesures d’effet équivalent, sont interdites entre les États membres.

Article 35 (ex-article 29 TCE)

Les restrictions quantitatives à l’exportation, ainsi que toutes mesures d’effet équivalent, sont interdites entre les États membres.

Article 36 (ex-article 30 TCE)

Les dispositions des articles 28 et 29 ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions d’importation, d’exportation ou de transit, justifiées par des raisons de moralité publique, d’ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux, de protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique ou de protection de la propriété industrielle et commerciale. Toutefois, ces interdictions ou restrictions ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres.


Sur la notion de marchandises :

CJCE, 30 avr. 1974, 155/73, Sacchi : Rec. CJCE, p. 409

CJCE, 10 déc. 1968, C-7/68, Commission c/ République italienne

CJCE, 11 juill. 1985, 60/84, 61/84, Cinéthèque c/ Fédération nationale des cinémas français : Rec. CJCE, p. 2605

CJCE, 5 févr. 1981, 50/80, Horvath : Rec. CJCE, p. 385

CJCE, 28 mars 1995,C-324/93 Evans medical Ltd et Mac Farlan Smith Ldt : Rec. CJCE 1995, 1, p. 563

CJCE, 7 févr. 1985, 240/83 , M. le procureur de la République c/Association de défense des brûleurs d’huiles usagées (ADBHU) : Rec. CJCE 1985, p. 531


CH. I.  DROITS DE DOUANE, TAXES D’EFFET EQUIVALENT ET IMPOSITIONS INTERIEURES

S.I. LES TAXES D’EFFET EQUIVALENT

I. Charges pécuniaires sans contrepartie

CJCE, 1er juill. 1969,C-24/68, Commission c/ Italie, Rec. 193

Une charge pécuniaire (CJCE, 14 mars 1990, Commission / Italie, C-137/89, Rec._p._I-847.

Une charge unilatéralement imposée(CJCE, 27 oct. 1993, Firma Herber Scharbatke GmbH, C-72-92, Rec. I 5509.

Un franchissement de la frontière , importation ou exportation (CJCE,10 décembre 1968, Commission / Italie, Aff. 7-68, Rec._p._00617; CJCE, 16 juill. 1996, Legros, C-163/90, Rec. I.4625; CJCE, 14 sept. 1995, Simitzi, C-485/93, Rec. I, 2655; CJCE , 9 sept. 2004, Carbonation Apuani Srl c/ Comune di carrara,C-72/03,).

Eléments indifférents : taxe perçue au profit de l’Etat, défaut d’effet protecteur et défaut de concurrence par produit intérieur (CJCE, 7 mai 1987, Coopérativa Frutta, Aff. 193/85, Rec. 2085).


II. Charges pécuniaires avec contrepartie

Selon la CJCE , “ ne constitue pas une taxe d’effet équivalent toute charge financière exigée à l’occasion ou en raison de l’importation ou de l’exportation des marchandises, qui constitue la rémunération directe d’un service déterminé, effectivement rendu à l’importateur ou à l’exportateur”.

Le service doit être:

facultatif  (CJCE, 9 fév. 1994, Commission c/ Italie, C-119/92, rec. I, 395),

individuel (CJCE, 27 fév. 2003, Commission c/ Allemagne, C-389/00, Rec. I,-2001).

Enfin, le coût doit être proprotionné au service : la contrepartie pécuniaire exigée doit être strictement équivalente à la valeur du service rendu et aux coûts y afférents (CJCE, 2 mai 1990, Bakker Hillegom, C-111/89, Rec. I, 1747).


III. Sanctions

Restitution des sommes versées indûment (( CJCE, 27 mars 1980, Denkavit Italiana, aff. 61/79, Rec. 1205;  CJCE, 29 juin 1988, Deville, aff. 240/87, rec. 3513).


IV. Illustrations

A. Admission de T.E.E.

CJCE, 10 décembre 1968, 7/68,Commission / Italie : Rec. CJCE 617

CJCE, 31 mai 1979, aff. 132/78 ,Denkavit Loire : Rec. CJCE 1923

CJCE,12 juin 1986, aff. 50/85, Schloh / Auto contrôle technique: Rec. CJCE 1855

Civ. 1re, 27 février 1996, Bull. civ. I, n° 62

CJCE, 14 mars 1990, C-137/89, Commission / Italie : Rec. CJCE 847

CJCE, 15 mars 1983, aff. 266/81, SLOT : Rec. CJCE, p. 731

CJCE 17 mai 1983, aff. 132/82, Commission / Belgique : Rec. CJCE 1649

CJCE, 17 mai 1983,  aff. 133/82 Commission / Luxembourg: Rec. CJCE 1669

CJCE, 14 septembre 1995, aff.C-485/93 et C-486/93, Simitzi / Dimos Kos:  Rec. CJCE 2655


B.  Rejet de T.E.E.

CJCE 29 juin 1978, aff. 142/77,Statens Kontrol , Rec. CJCE 1543

CJCE 28 janvier 1981, Aff.   32/80, Kortmann, Rec. CJCE 251

CJCE 27 septembre 1988,  Aff. 18/87, Commission / Allemagne, Rec. CJCE 5427


S.II. LES  IMPOSITIONS INTERIEURES

Article 110 TFUE (ex-article 90 du Traité CE)

« Aucun État membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres États membres d’impositions intérieures, de quelque nature qu’elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires.

« Aucun État membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres États membres d’impositions intérieures, de quelque nature qu’elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires.

I. PRINCIPE

L’article 110 tend, en l’absence de mesures d’harmonisation, à « garantir la parfaite neutralité des impositions intérieures au regard de la concurrence entre produits nationaux et produits importés » (CJCE, 27 fév. 1980, aff. 168/78, Commission c/ France : Rec. CJCE, p. 347).

CJCE, 27 févr. 1980, aff 168/78, Commission c/ France : Rec. CJCE, p. 347

CJCE, 16 févr. 1977, aff f 20/76, Schöttle : Rec. CJCE, p. 247  

CJCE, 17 juin 1998, aff f. C-68/96, Grundig Italiana : Rec. CJCE, 1, p. 3797

CJCE, 17 févr.1976, aff 45/75, Rewe : Rec. CJCE, p. 181

CJCE, 4 mars 1986, aff 243/84, Walker : Rec. CJCE, p. 875

CJCE, 22 mars 1977, aff 74/76, Ianelli c/ Meroni : Rec. CJCE, p. 557


II. MISE EN OEUVRE DU PRINCIPE

A. Les impositions

Sont concernés tous les dispositifs fiscaux portant atteinte à l’égalité de traitement entre les produits nationaux et les produits importés.

B. La notion de produit similaire

CJCE, 11 déc. 1990, aff. C-47/88, Commission c/Danemark : Rec. CJCE, 1, p. 4530.

CJCE,  22 fév. 2001, aff. C 393/98, Antonio Gomes Valente, rec. CJCE,I, p. 1341

CJCE, 27 févr. 2002, aff C-302/00, Commission c/ France : Rec. CJCE, 1, p. 2077

CJCE, 15 mars 1983, aff 319/81, Commission c/Italie : Rec. CJCE, p. 601

C. Les modalités d’imposition

Le fait que la taxe porte non sur les produits, mais sur une prestation de service les concernant (le transport par exemple), ne permet pas d’exclure l’application des dispositions de l’article 90 du traité CE (CJCE, 16 févr. 1977, aff. 20/76, Schottle : Rec. CJCE, p. 247 ; CJCE, 17 juin 1998, aff f. C-68/96, Grundig Italiana : Rec. CJCE, 1, p. 3797).

CJCE, 9 mai 1985, aff 112/84, Humblot : Rec. CJCE, p. 1367

CJCE, 17 sept. 1987, aff 433/85, Feldain Rec. CJCE, p. 3536 

CJCE, 30 nov. 1995, aff C-113/94, Elisabeth Casarin . Rec. CJCE,p. 4214

CJCE, 15 juin 1999, aff C-421/97, Yves Tarantik : Rec. CJCE,p. 3656

CJCE, 5 mai 1982, aff 15/81, Gaston Schul : Rec. CJCE, p. 1409

« la taxe sur la valeur ajoutée qu’un Etat membre perçoit au titre de l’importation de produits en provenance d’un autre Etat membre, livrés par un particulier, lorsqu’une telle taxe n’est pas perçue au titre de la livraison de produits similaires effectuée par un particulier à l’intérieur de l’Etat membre d’importation, constitue une imposition intérieure supérieure à celle qui frappe les produits nationaux similaires, au sens de l’article 90 du traité dans la mesure où n’est pas prise en considération la part résiduelle de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée dans l’Etat membre d’exportation qui est encore incorporée dans la valeur du produit au moment de son importation. La preuve de cette taxe incombe à l’importateur ».

CJCE, 21 mai 1985, aff 47/84, Gaston Schul II : Rec. CJCE, p. 1501

« la TVA perçue par un Etat membre, lors de l’importation, en provenance d’un autre Etat membre, d’un produit livré par un non-assujetti, alors que cette taxe n’est pas perçue lors de la livraison, par un particulier de produits similaires à l’intérieur de l’Etat membre d’importation, doit être calculée compte tenu du montant de la TVA acquittée dans l’Etat membre d’exportation, qui est encore incorporé dans la valeur du produit au moment de son importation de manière telle que ce montant ne fasse pas partie de la base d’imposition et soit, en outre, déduite la TVA due à l’ importation ».

CJCE, 25 févr. 1988, aff. 299/86, Rainer Drexl : Rec. CJCE, p. 1228)

 

SECTION III. DIFFICULTÉ DE DISTINCTION ENTRE TEE ET IE

 

CJCE 23 avril 2002, Niels Nygård et Svineafgiftsfonden, C 234/99.
CJCE, 8 juin 2006,  Visserijbedrijf D. J. Koornstra & Zn. vof contre Productschap Vis,C-517/04.


CHAPITRE II. LES RESTRICTIONS QUANTITATIVES ET AUTRES MESURES D’EFFET EQUIVALENT

S.I. LE PRINCIPE D’INTERDICTION DES RESTRICTIONS

I. DEFINITION DES MEERQ

A. Les textes

1.Directive 70/50/CEE du 22 décembre 1969 portant suppression des mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives à l’importation non visées par d’autres dispositions prises en vertu du traité CEE (JOCE n° L 13, 19 janv. 1970) :

« 1. (…) les mesures autres que celles applicables indistinctement aux produits nationaux et aux produits importés, qui font obstacle à des importations qui pourraient avoir lieu en leur absence, y compris celles qui rendent les importations plus difficiles ou onéreuses que l’écoulement de la production nationale (art. 2) ;

2. (…) les mesures régissant la commercialisation des produits (…) applicables indistinctement aux produits nationaux et aux produits importés, dont les effets restrictifs sur la libre circulation des marchandises dépassent le cadre des effets propres d’une réglementation de commerce (art. 3).

2. Règlement n° 2679/98 du Conseil du 7 décembre 1998 relatif au fonctionnement du marché intérieur pour ce qui est de la libre circulation des marchandises entre les Etats membres (JOCE n° L 337, 12 déc.) :

« une action ou une inaction imputable à un Etat membre, susceptible de :

constituer une violation des articles 28 et 30 et qui provoque une perturbation grave de la libre circulation des marchandises en empêchant, retardant ou détournant, physiquement ou autrement, l’importation ou l’exportation ou le transit de marchandises dans un autre Etat membre ou l’exportation de celles-ci à partir de cet Etat membre

causer des dommages sérieux aux particuliers lésés et nécessite une action immédiate afin d’éviter toute continuation, extension ou aggravation de la perturbation ou des dommages en question’ (art. 1)

B. La jurisprudence

1. Définition traditionnelle

CJCE, 11 juill. 1974, aff 8/74, Dassonville : Rec. CJCE, p. 837:

« Toute réglementation commerciale des Etats membres susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement le commerce intracommunautaire « .

2. Définition nouvelle

CJCE, 24 nov. 1993, aff C-267/91 et C-268/91, Keck et Mithouard : Rec. CJCE, 1, p. 6097:

« En revanche, il y a lieu de considérer que, contrairement à ce qui a été jugé jusqu’ici, n’est pas apte à entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement le commerce entre Etats membres, au sens de la jurisprudence Dassonville (…), l’application à des produits en provenance d’autres Etats membres de dispositions nationales qui limitent ou interdisent certaines modalités de vente, pourvu qu’elles s’appliquent à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité sur le territoire national et pourvu qu’elles affectent de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et de ceux en provenance d’autres Etats membres » (att. 16).

« n’est pas apte à entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce entre les Etats membres,(…), l’application à des produits en provenance d’autres Etats membres de dispositions nationales qui limitent ou interdisent certaines modalités de vente, pourvu qu’elles s’appliquent à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité sur le territoire national et pourvu qu’elles affectent de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et de ceux en provenance d’autres Etats membres » (att. 21) ».

3. Mise en oeuvre de la distinction

a) Les mesures nationales

CJCE, 9 juill. 1997, aff jtes C-34/95 à C-36/95, Konsumentombudsmannen et De Agostini et TVE shop : Rec. p. 3875).

CJCE, 15 déc. 1993, aff C-292/92, Hünermund Ruth : Rec. CJCE, I, p. 6816)

CJCE, 24 nov. 1982, aff. C-249/81, Commission contre Irlande 1982, rec. 4005) :

CJCE 9 décembre 1997, Commission / France C-265/95, Rec._p._I-6959

b) Les conditions relatives aux marchandises

CJCE 20 février 1979, Aff.120/78, Rewe-Zentral AG contre Bundesmonopolverwaltung für Branntwein, Rec. p.00649

CJCE, 28 juin 1995, C-391 /92, Commission c/ Grèce : Rec. CJCE, 1, p. 1642

c) Les modalités de vente des marchandises

CJCE, 15 déc. 1993, aff C-292/92, Hünermund Ruth : Rec. CJCE, 1, p. 6816

CJCE, 2 juin 1994, aff C-401/92 et C-402/92, Tanksstation’t Henkske c/JBE Boermans : Rec. CJCE, 1, p. 2227

CJCE, 2 juin 1994, aff C-69/93 et C-258/93, Punto Casa SpA : Rec. CJCE, 1, p. 2363

CJCE, 29 juin 1995, aff C-391/92, Commission c/ Grèce : Rec. CJCE, 1, p. 1642

CJCE, 28 oct. 1999, aff C-6/98, Arbeitsgemeinschaft Deutscher Rundfunkanstalten et PRO I Satellitenfernsehen GmbH : Rec. CJCE, 1, p. 7622

Cass. crim., 10 avr. 1997, Decaux et a.: Bull. crim., 4 avr. 1997, p. 467

Cass. crim., 18 juin 1998: Bull. crim., n 199, p. 549

CJCE 11 décembre 2003, C-322/01, Deutscher Apothekerverband,


II. DOMAINE DE L’INTERDICTION

A. Domaines respectifs des entraves et des taxes d’effet équivalent

CJCE 27 novembre 2003,  Enirisorse,  C-34/01 à C-38/01,  


B. Opérations intracommunautaires

CJCE, 7 mai 1997, Pistre,C-321 à 324/94,Rec. CJCE, 1, p. 2343 ; v. n° 110

CJCE, 5 déc. 2000, Jean-Pierre Guimont, C-448/98, Rec. CJCE, 1, p. 10663 ; v. n° 110


C. Transit intracommunautaire

CJCE 23 octobre 2003, C-115/02, Rioglass et Transremar


S.II.   LES EXCEPTIONS AU PRINCIPE D’INTERDICTION

I. EXCEPTIONS FONDEES SUR L’ARTICLE 36 TFUE

article 36 TFUE (ancien article 30 CE)

« Les dispositions des articles 34 et 35 ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions d’importation, d’exportation ou de transit, justifiées par des raisons de moralité publique, d’ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux, de protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique ou de protection de la propriété industrielle et commerciale. Toutefois, ces interdictions ou restrictions ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres ».

A. Application restrictive des exceptions

1. Domaine limité des exceptions

CJCE, 10 déc. 1968, aff 7/98, Commission c/Italie : Rec. CJCE, p. 617

2. Contrôle de la mise en oeuvre des exceptions

CJCE 9 décembre 1997, C-265/95, Commission / France , Rec._p._I-6959

CJCE, 5 oct. 1977, aff. 5/77, Denkavit : Rec. CJCE, p. 1555

CJCE, 11 juill. 1974, aff 8/74, Procureur du roi c/ Dassonville : Rec. CJCE, p. 837

CJCE, 7 mars 1989, C 215/87, Schumacher : Rec. CJCE, p. 617).

CJCE, 28 mars 1995, aff. C-324/93, Evans Medical Ltd et Macfarlan Smith Ttd – Diamorphine : Rec. CJCE, 1, p. 563

CJCE 23 septembre 2003, C-192/01, Commission/Danemark, Rec. p. I-9693 :

55.En l’espèce, la pratique administrative danoise est disproportionnée dans la mesure où, en dehors des quatre cas restrictivement définis de ce qui est jugé constituer un besoin nutritionnel et qui sont mentionnés au point 11 du présent arrêt, elle interdit systématiquement la commercialisation de toutes denrées alimentaires auxquelles des vitamines et des minéraux ont été ajoutés, sans distinguer selon les différents vitamines et minéraux ajoutés ou selon le niveau du risque que leur adjonction peut éventuellement présenter pour la santé publique.

56.En effet, le caractère systématique de l’interdiction de commercialisation des produits enrichis ne répondant pas à un besoin nutritionnel de la population, tel qu’il résulte de la pratique administrative danoise, ne permet pas de respecter le droit communautaire quant à l’identification et à l’évaluation d’un risque réel pour la santé publique, lequel exige une évaluation approfondie, cas par cas, des effets que pourrait entraîner l’adjonction des minéraux et des vitamines en cause.

57. Eu égard à ce qui précède, il convient de constater que, en appliquant une pratique administrative impliquant que des denrées alimentaires enrichies qui sont légalement produites ou commercialisées dans d’autres États membres ne peuvent être commercialisées au Danemark que s’il est démontré que cet enrichissement en éléments nutritifs répond à un besoin dans la population danoise, le royaume de Danemark a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 28 CE.

CJCE, 26 mai 2005,C 212/03, Commission contre République française,(à propos de médicaments homéopathiques).


B. Etude des différentes exceptions

1. Moralité publique, ordre public, sécurité publique

CJCE, 10 juill. 1984, aff. 72/83, Campus Oil Ltd : Rec., p. 2727

CJCE, 25 oct. 2001, aff. C-398/98, Commission c/ Grèce, Rec.,p. 7915

CJCE, 14 déc. 1979, aff. 34/79, Regina c/Henn et Darby : Rec., p. 3795


2. Protection de la santé et de la vie des personnes

CJCE 23 septembre 2003, aff. C-192/01, Commission c/Danemark


3.Protection de la propriété industrielle et commerciale

CJCE, 8 juin 1971, Deutsche Grammophon / Metro SB, 78-70, Rec._p._00487

a. Epuisement du droit

CJCE 3 juillet 1974, Van Zuylen / Hag AG aff.192-73, Rec., p.00731

CJCE,  31 octobre 1974, Centrafarm BV e.a. / Winthorp BV (16-74, Rec._p._01183

CJCE, 31 oct. 1974, aff 15/74, Centrafarm et Peijper c/Sterling Drug

CJCE, 14 juill. 1981, aff 197/80, Merck c/ Stephar : Rec., p. 2063

CJCE, 5 déc. 1996, aff jtes C-267/95 et C-268/95, Merck & CO Inc et a. c/Primecrown Ltd et Beecham / Europharm, Rec., p.6285:

« En revanche, une telle dérogation au principe de la libre circulation des marchandises ne saurait être justifiée par le fait que le titulaire du brevet s’estimerait tenu par une obligation morale de satisfaire la demande qui se manifeste pour son produit dans un État membre, même si celui-ci n’admet pas la brevetabilité des médicaments, car pareille obligation peut se révéler difficile à appréhender et à distinguer des considérations commerciales. Elle ne saurait l’être davantage par le fait que ledit titulaire n’a pas pu décider librement du prix de commercialisation de son produit en raison de l’existence d’un contrôle des prix imposé par les autorités publiques, car les distorsions de concurrence que peuvent provoquer de tels contrôles dans les échanges entre États membres doivent trouver leur solution à travers des mesures arrêtées par les institutions communautaires et non pas à travers des mesures nationales unilatérales incompatibles avec les règles relatives à la libre circulation des marchandises »

CJCE, 8 juin 1971, Aff. 78-70, Deutsche Grammophon / Metro SB, , Rec. p.00487

CJCE 20 janvier 1981,C-55/80 et 57/80, Musik-Vertrieb Membran GmbH / GEMA,  Rec. p.00147

CJCE, 22 septembre 1998, C-61/97, Foreningen af danske Videogramdistributører, agissant pour Egmont Film e.a. / Laserdisken, Rec.p.5171

b. Reconditionnement

CJCE, 23 mai 1978, aff. 102/77, Hoffman-La Roche / Centrafarm, Rec.p._01139

CJCE , 11 juillet 1996, C-427/93, C-429/93 et C-436/93, Bristol-Myers Squibb e.a., Rec. p. I-3457

 

CJCE,  11 nov. 1997, C-349/95,Loendersloot, Rec. CJCE, 1, p. 6244

CJCE, 12 octobre 1999, C-379/97, Upjohn, Rec. p. I-6927     

CJCE, 19 sept. 2002,C-433/00, Aventis Pharma Deutschland       

CJCE,  23 avr. 2002, C-143/00,Boehringer CJCE, Ingelheim et autres, Rec. CJCE, 1, p. 3762

CJCE, 23 avril 2002, Merck, Sharp & Dohme GmbH contre Paranova Pharmazeutika Handels GmbH, C-443/99,rec. p. 3703).

26 Une telle entrave existe, par exemple, lorsque des médicaments achetés par l’importateur parallèle ne peuvent être commercialisés dans l’État membre d’importation dans leur conditionnement d’origine en raison de règles ou de pratiques nationales relatives au conditionnement, de règles en matière d’assurance maladie faisant dépendre d’un certain conditionnement le remboursement des frais médicaux ou de pratiques de prescription médicale bien établies se basant, entre autres, sur des normes de dimension recommandées par des groupements professionnels et par les institutions d’assurance maladie. À cet égard, il suffit que l’entrave existe pour un des conditionnements utilisés par le titulaire d’une marque dans l’État membre d’importation (voir arrêt Bristol-Myers Squibb e.a., précité, points 53 et 54.

CJCE, 26 avr. 2007,C-348/04, Boehringer Ingelheim e.a.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

1)      L’article 7, paragraphe 2, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, telle que modifiée par l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992, doit être interprété en ce sens que le titulaire de la marque peut légitimement s’opposer à la commercialisation ultérieure d’un produit pharmaceutique importé d’un autre État membre dans son conditionnement interne et externe original, assorti d’une étiquette supplémentaire externe apposée par l’importateur, à moins:

–        qu’il soit établi que l’utilisation du droit de marque par le titulaire de celle-ci pour s’opposer à la commercialisation du produit ayant fait l’objet d’un nouvel étiquetage sous cette marque contribuerait à cloisonner artificiellement les marchés entre États membres;

–        qu’il soit démontré que le nouvel étiquetage ne saurait affecter l’état originaire du produit contenu dans l’emballage;

–        qu’il soit indiqué clairement sur l’emballage l’auteur du nouvel étiquetage du produit et le nom du fabricant de celui-ci;

–        que la présentation du produit ayant fait l’objet de ce nouvel étiquetage ne soit pas telle qu’elle puisse nuire à la réputation de la marque et à celle de son titulaire; ainsi, l’étiquette ne doit pas être défectueuse, de mauvaise qualité ou de caractère brouillon, et

–        que l’importateur, préalablement à la mise en vente du produit ayant fait l’objet d’un nouvel étiquetage, avertisse le titulaire de la marque et lui fournisse, à sa demande, un spécimen de ce produit.

2)      La condition selon laquelle le reconditionnement du produit pharmaceutique, par un nouvel emballage de celui-ci et en y apposant de nouveau la marque ou par apposition d’une étiquette sur l’emballage contenant ce produit, est nécessaire à sa commercialisation ultérieure dans l’État membre d’importation, en tant qu’il s’agit de l’une des conditions qui, si elles sont satisfaites, empêchent le titulaire de la marque, conformément à l’article 7, paragraphe 2, de la directive 89/104, telle que modifiée par l’accord sur l’Espace économique européen, de s’opposer à ladite commercialisation, vise uniquement le fait du reconditionnement et non pas la manière ou le style selon lesquels celui-ci est réalisé.

3)      La condition selon laquelle la présentation du produit reconditionné ne doit pas être telle qu’elle puisse nuire à la réputation de la marque et à celle de son titulaire, en tant que condition nécessaire pour que ce dernier ne puisse pas, en vertu de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 89/104, telle que modifiée par l’accord sur l’Espace économique européen, légitimement s’opposer à la commercialisation ultérieure d’un produit pharmaceutique, lorsque l’importateur parallèle a soit effectué un nouvel emballage du produit en y apposant de nouveau la marque, soit apposé une étiquette sur l’emballage contenant le produit, n’est pas limitée aux cas dans lesquels le reconditionnement est défectueux, de mauvaise qualité ou de caractère brouillon.

4)      La question de savoir si le fait, pour l’importateur parallèle:

–        de ne pas apposer la marque sur le nouvel emballage externe du produit (démarquage), ou

–        d’apposer sur cet emballage son propre logo ou style ou encore une «présentation ‘maison’» ou une présentation utilisée pour plusieurs produits différents (comarquage), ou

–        d’apposer une étiquette supplémentaire sur ledit emballage de manière à masquer totalement ou partiellement la marque du titulaire, ou

–        de ne pas mentionner sur l’étiquette supplémentaire que la marque en cause appartient au titulaire, ou encore

–        d’imprimer le nom de l’importateur parallèle en lettres capitales

est de nature à nuire à la réputation de la marque est une question de fait qu’il appartient au juge national d’apprécier au regard des circonstances propres à chaque espèce.

5)      Dans des situations telles que celles en cause dans les litiges au principal, il incombe aux importateurs parallèles d’établir l’existence des conditions selon lesquelles

–        l’utilisation du droit de marque par le titulaire de celle-ci pour s’opposer à la commercialisation des produits reconditionnés sous cette marque contribuerait à cloisonner artificiellement les marchés entre États membres;

–        le reconditionnement ne saurait affecter l’état originaire du produit contenu dans l’emballage;

–        l’auteur du reconditionnement du produit et le nom du fabricant de celui-ci sont clairement indiqués sur le nouvel emballage;

–        la présentation du produit reconditionné ne doit pas être telle qu’elle puisse nuire à la réputation de la marque et à celle de son titulaire; ainsi, le reconditionnement ne doit pas être défectueux, de mauvaise qualité ou de caractère brouillon;

–        l’importateur doit avertir, préalablement à la mise en vente du produit reconditionné, le titulaire de la marque et lui fournir, à sa demande, un spécimen du produit reconditionné,

et qui, si elles sont satisfaites, empêchent le titulaire de la marque de s’opposer légitimement à la commercialisation ultérieure d’un produit pharmaceutique reconditionné.

S’agissant de la condition selon laquelle il doit être démontré que le reconditionnement ne saurait affecter l’état originaire du produit contenu dans l’emballage, il suffit, cependant, que l’importateur parallèle apporte des éléments de preuve de nature à faire raisonnablement présumer que cette condition est remplie. Il en va a fortiori de même de la condition selon laquelle la présentation du produit reconditionné ne doit pas être telle qu’elle puisse nuire à la réputation de la marque et à celle de son titulaire. Dès lors que l’importateur apporte un tel début de preuve quant à cette dernière condition, il appartiendra, le cas échéant, au titulaire de la marque, qui est le mieux placé pour apprécier si le conditionnement est susceptible de nuire à sa réputation et à celle de la marque, de prouver qu’une atteinte a été portée à celles-ci.

6)      Lorsqu’un importateur parallèle a omis de donner au titulaire de la marque l’avertissement préalable concernant un produit pharmaceutique reconditionné, il enfreint les droits de ce titulaire lors de toute importation subséquente dudit produit, tant qu’il ne lui a pas donné un tel avertissement. La sanction de cette infraction doit non seulement être proportionnée mais également suffisamment effective et dissuasive pour garantir la pleine efficacité de la directive 89/104, telle que modifiée par l’accord sur l’Espace économique européen. Une mesure nationale en vertu de laquelle, dans le cas d’une telle infraction, le titulaire de la marque a droit à une réparation financière dans les mêmes conditions que dans le cas d’une contrefaçon n’apparaît pas, en tant que telle, contraire au principe de proportionnalité. Il appartient, cependant, au juge national de déterminer au cas par cas, compte tenu notamment de l’étendue du dommage causé au titulaire du droit de marque par l’infraction commise par l’importateur parallèle et dans le respect du principe de proportionnalité, le montant de la réparation financière.

c. Transit

CJCE, 26 sept. 2000, aff C-23/99, Commission c/ France : Rec. CJCE,p. 7675

CJCE, 23 oct. 2003, aff. C-115/02. Rioglass SA et Transremar SL

Cass. crim., 26 avr. 1990 : Bull. crim., n° 160

Cass. crim., 3 sept. 2002, n° 01-87.631: Bull. crim., n° 155

Cass. crim., 2 déc. 2003, n° 02-88459, Bull. Crim., n° 228

Cass. com., 31 mars 2004, n° 00-10901, Bull. Civ. IV., n° 66

Cass. com.,  7 juin 2006 , n°  04-12274 , Bull. Civ. IV, n° 139

CJCE, 9 mars 2006,C-421-04, Matratzen Concord AG contre Hukla Germany SA

CJCE, 9 nov. 2006, C-281/05, Diesel


II. EXCEPTIONS FONDEES SUR L’ARTICLE 28 CE

CJCE 20 février 1979, Aff.120/78, Rewe-Zentral AG contre Bundesmonopolverwaltung für Branntwein, Rec. p.00649

« Les obstacles a la circulation intracommunautaire resultant des disparites des legislations nationales relatives a la commercialisation des produits en cause doivent etre acceptes dans la mesure ou ces prescriptions peuvent etre reconnues comme etant necessaires pour satisfaire a des exigences imperatives tenant , notamment , a l ‘ efficacite des controles fiscaux , a la protection de la sante publique , a la loyaute des transactions commerciales et a la defense des consommateurs »

Lutte contre l’inflation (CJCE, 29 nov. 1983, aff 181/82, Roussel : Rec. CJCE, p. 3849)

Assainissement des finances publiques (CJCE, 7 févr. 1984, aff 238/82, Duphar BV: Rec. CJCE, p. 523)

Objectifs légitimes de la politique économique et sociale concernant les heures de travail (CJCE, 14 juill. 1981, C-155/80, Oebel . Rec. CJCE, p. 1993)

Encouragement à la création artistique (CJCE, 11 oct. 1985, C-60/84,61/84,  Cinéthèque : Rec. 1985, p. 3327)

Efficacité des contrôles fiscaux 🙁CJCE, 25 févr. 1988, C-299/86, Drexl . Rec. CJCE, p. 1213 ; v. n° 36

Protection de l’environnement (cf. notamment CJCE, 20 sept. 1988, C-302/86, Commission c/ Danemark – emballages de bières et de boissons rafraîchissantes : Rec. CJCE, p. 4607

CJCE, 12 mars 1987, C-178/84, Commission c/Allemagne : Rec. CJCE, p. 1227

CJCE, 3 juin 1999, C-33/97, Colim NV et Biggs Continent Noord : Rec. CJCE, 1, p. 3202

CJCE, 12 sept. 2000, C-366/98, Yannick Geoffroy et Casino SNC : Rec. CJCE, I, p. 6596


III. LIBRE CIRCULATION ET DROITS FONDAMENTAUX

CJCE 26 juin 1997, Vereinigte Familiapress Zeitungsverlags- und vertriebs GmbH / Bauer Verlag C-368/95, Rec._p._I-3689 :

« Lorsqu’un État membre invoque des exigences impératives, comme le maintien du pluralisme de la presse, au titre de l’article 30 du traité pour justifier une législation qui est de nature à entraver l’exercice de la libre circulation des marchandises, cette justification doit également être interprétée à la lumière des principes généraux du droit et notamment des droits fondamentaux. (voir l’arrêt du 18 juin 1991, ERT, C-260/89, Rec. p. I-2925, point 43).Parmi ceux-ci figure la liberté d’expression, consacrée par l’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Une interdiction de vendre des publications qui offrent la possibilité de participer à des jeux dotés de prix est, à cet égard, de nature à porter atteinte à la liberté d’expression. Toutefois, l’article 10 de ladite convention admet que des dérogations soient apportées à cette liberté en vue d’assurer le maintien du pluralisme de la presse, pour autant qu’elles soient prévues par la loi et nécessaires dans une société démocratique ».

34 Au vu des développements qui précèdent, il convient donc de répondre au juge national que l’article 30 du traité doit être interprété en ce sens qu’il ne fait pas obstacle à l’application de la législation d’un État membre qui a pour effet d’interdire sur son territoire la distribution, par une entreprise établie dans un autre État membre, d’un périodique produit dans ce dernier État s’il comporte des énigmes dotées d’un prix ou des concours, lesquels sont licitement organisés dans ce dernier État, pourvu que cette interdiction soit proportionnée au maintien du pluralisme de la presse et que cet objectif ne puisse pas être atteint par des mesures moins restrictives. Pour que ces conditions soient satisfaites, il faut, notamment, que les journaux qui offrent, au travers de jeux, d’énigmes ou de concours, la possibilité de gagner un prix soient en concurrence avec les petites entreprises de presse, supposées être dans l’incapacité d’offrir des primes comparables et qu’une telle perspective de gain soit susceptible de provoquer un déplacement de la demande. En outre, l’interdiction nationale ne doit pas faire obstacle à la commercialisation des journaux qui, tout en contenant des jeux, des énigmes ou des concours dotés de primes, n’ouvrent pas aux lecteurs résidant dans l’État membre concerné la possibilité de gagner un prix. Il incombe à la juridiction nationale d’apprécier si ces conditions sont remplies sur la base d’un examen du marché national concerné de la presse. »

CJCE, 2 juin 2003, Schmidberger C-112/00 , Rec._p._I-5659 :

« Le fait pour les autorités compétentes d’un État membre de ne pas avoir interdit un rassemblement de manifestants qui a entraîné le blocage complet, pendant une durée déterminée, d’une voie de communication importante entre les États membres n’est pas incompatible avec les articles 30 et 34 du traité (devenus, après modification, articles 28 CE et 29 CE), lus en combinaison avec l’article 5 du traité (devenu article 10 CE), pour autant que cette restriction au commerce intracommunautaire de marchandises peut être justifiée par l’intérêt légitime que constitue la protection des droits fondamentaux, en l’occurrence ceux des manifestants en matière de liberté d’expression et de liberté de réunion, s’imposant tant à la Communauté qu’à ses États membres.

S’agissant de cette justification, il convient de mettre en balance les intérêts en présence, à savoir la libre circulation des marchandises, qui peut, sous certaines conditions, faire l’objet de restrictions pour les raisons énumérées à l’article 36 du traité (devenu, après modification, article 30 CE) ou au titre des exigences impératives d’intérêt général, d’une part, et les libertés d’expression et de réunion, qui sont également susceptibles de faire l’objet de certaines limitations justifiées par des objectifs d’intérêt général, d’autre part, et de déterminer, eu égard à l’ensemble des circonstances de chaque cas d’espèce, si un juste équilibre a été respecté entre ces intérêts.

À cet égard, les autorités nationales disposent certes d’un large pouvoir d’appréciation, mais il y a lieu pour la Cour de vérifier si les restrictions apportées aux échanges intracommunautaires sont proportionnées au regard du but légitime poursuivi, à savoir en l’espèce la protection des droits fondamentaux.

Si une manifestation sur la voie publique entraîne normalement certains inconvénients pour les personnes qui n’y participent pas, en particulier en ce qui concerne la liberté de circulation, ceux-ci peuvent en principe être admis dès lors que le but poursuivi est la manifestation publique et dans les formes légales d’une opinion ».

CJCE 9 décembre 1997, C-265/95, Commission / France, Rec._p._I-6959 :

Un État membre manque aux obligations qui découlent de l’article 30 du traité, en liaison avec l’article 5 de ce traité, et des règlements portant organisation commune de marchés des produits agricoles, dès lors que les mesures qu’il a prises pour faire face aux actions de particuliers qui ont causé des obstacles à la libre circulation de certains produits agricoles n’ont manifestement pas été suffisantes, compte tenu de la fréquence et de la gravité des incidents en cause, pour garantir la liberté des échanges intracommunautaires de produits agricoles sur son territoire, en empêchant et en dissuadant efficacement les auteurs des infractions en cause de les commettre et de les répéter. Ne sauraient justifier ce manquement ni la crainte de difficultés internes, sauf pour l’État membre à établir qu’une action de sa part aurait sur l’ordre public des conséquences auxquelles il ne pourrait faire face grâce aux moyens dont il dispose, ni la prise en charge des dommages causés aux victimes, ni des motifs de nature économique, ni l’allégation d’une méconnaissance éventuelle, par un autre État membre, des règles du droit communautaire.

CJCE, 25 mars 2004,C-71/02 ,Herbert Karner Industrie-Auktionen GmbH et Troostwijk GmbH):

« Le pouvoir d’appréciation dont disposent les autorités compétentes, s’agissant de la question de déterminer où se trouve le juste équilibre entre la liberté d’expression et les objectifs susvisés, est variable pour chacun des buts justifiant la limitation de ce droit et selon la nature des activités en jeu. Quand l’exercice de la liberté ne contribue pas à un débat d’intérêt général et, que, au surplus, on se trouve dans un contexte dans lequel les États ont une certaine marge d’appréciation, le contrôle se limite à un examen du caractère raisonnable et proportionné de l’ingérence. Il en va ainsi de l’usage commercial de la liberté d’expression, notamment dans un domaine aussi complexe et fluctuant que la publicité (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2003, RTL Television, C-245/01, non encore publié au Recueil, point 73, ainsi que Cour eur. D. H, arrêts Markt intern Verlag GmbH et Klaus Beermann du 20 novembre 1989, série A. nº165, § 33, et VGT Verein gegen Tierfabriken c. Suisse du 28 juin 2001, Recueil des arrêts et décisions 2001-VI, § 69 à 70) ».